Le gouvernement togolais vient de prendre, cette fin de semaine, une série de mesures sociales visant directement à aider les populations à faire face à l’inflation galopante. Si elles sont un bon début, ces mesures restent encore trop insignifiantes et doivent davantage intégrer les principaux besoins et cibler les couches les plus vulnérables. Ce dont elles sont encore, un peu trop loin. Décryptage et propositions.
Depuis la reprise des activités économiques à la suite de la longue crise liée au Covid-19, une augmentation des prix a été ressentie partout dans le monde, consécutive à une montée de l’inflation. Résultat, les prix des produits pétroliers par exemple ont flambé, entrainant l’essentiel des produits de première nécessité dans la vague. Les pays voisins du Togo ont très vite réagi, la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Sénégal en premier suivis du Ghana, du Burkina Faso et même du Niger. Lomé vient, quant à lui, d’annoncer une série de mesures, sauf qu’elles concernent en grande partie les fonctionnaires soit environ 55.000 personnes, à peine 0,5% de la population. D’autres mesures comme la subvention du gaz domestique de 7,7 milliards F Cfa (11,7 millions d’euros) ou encore un avenant de la subvention aux produits pétroliers de 30 milliards F Cfa privilégient les milieux urbains et n’intègrent pas la précarisation sociale qui a gagné du terrain ces dernières années.
Un contexte mondiale aggravé par le Covid et l’Ukraine
D’abord, la situation d’inflation incontrôlable, manifestée par une cherté à tout vent des produits de première nécessité n’est pas l’apanage du seul Togo, c’est un ensemble de conjonctures externes et internationales. Il s’agit notamment de la guerre en Ukraine et des restrictions imposées par l’occident à l’exportation des productions russes. Ensuite, à cela s’ajoute une demande excessive de matières premières depuis la trêve sporadique de la pandémie de Covid-19 qui a semblé lâcher l’accélérateur. A côté d’une inflation naturellement liée à la fluctuation du marché mondial, l’explosion de la demande a créé surtout une spéculation. Enfin, les effets de l’absence d’autosuffisance alimentaire et la lente balkanisation de l’agriculture ont accentué le tout. Le ressenti de cette crise est encore plus catastrophique dans un pays comme le Togo où 51% des habitants vivent en dessous du taux de pauvreté et où les échecs successifs de politiques sociales ont davantage blâmé ces dernières décennies les plus vulnérables. Les dernières mesures de l’exécutif n’ont pas suffisamment intégré les réalités de la population globale, donnant la part de lion aux fonctionnaires et retraités. Alors que la riposte gouvernementale est attendue depuis le début de la crise, elle se doit d’étendre en toute urgence ses approches aux plus nécessiteux.
Riposte mitigée
Avec environ 9 millions d’habitants, il n’y a pas eu de recensement général récent de la population, le Togo ne compte qu’entre 55 et 65.000 fonctionnaires. Là encore, des statistiques précises n’existent point. Seule donnée budgétaire, la masse salariale est de 253 milliards F Cfa pour 2022. Elle cible fonctionnaires du public et du parapublic, soit à peine 0,5% de la population. Ce sont eux qui reçoivent la grande partie des retombées des mesures, l’état n’ayant aucun moyen coercitif pour obliger le secteur privé et l’informel à se conformer à ces dispositions. Dans la réalité, les 65% de la population active qu’occupe l’agriculture ne se sentent presque concernés vraiment par aucune des mesures. Plus de deux togolais sur trois n’utilisent pas de gaz domestique et à peine la moitié de la population (53%) a accès à l’électricité ou à des formes d’énergies modernes. On peut ne pas s’en rendre compte quand on habite Lomé où l’accès au courant électrique est presque garantie et le recours au wifi internet semble évident. Les 10.000 F Cfa de frais de transports, les 10% d’augmentation de la valeur indiciaire salariale ciblent la minorité fonctionnaire alors que les subventions visent les milieux urbains. Les prix de transports ayant grimpé, les céréales, tubercules et autres légumes constituant la base de l’alimentation sont hors du prix. C’est la première préoccupation des togolais, manger. Ensuite, pouvoir se soigner, les mesures ayant malheureusement laissé sur le carreau la santé. Il faut des dispositions complémentaires urgentes pour conforter lesdites mesures.
Suppléments et réajustements utiles
Le gouvernement aurait pu se livrer à des mesures générales. Le rachat et la mise en vente par l’état, notamment en milieux rural et semi-urbain et à prix abordables de quelques centaines de milliers de tonnes de maïs, de riz, de gari, d’huile, de lait, de blé et de sucre auraient un impact direct sur l’ensemble de la population. L’élargissement de la couverture médicale universelle aux enfants et aux personnes âgées impacterait le quotidien des familles modestes. Le retour aux prix de juillet dernier du gaz domestique et des produits pétroliers rendrait plus palpables les complexes subventions dont les populations ne comprennent rien. Le contrôle de la gratuité de l’école dans tout le pays du primaire et du secondaire pour tous et la mise en place de la gratuité totale pour les filières techniques et à l’université seraient plus que salutaires. L’annulation de certaines taxes dont notamment celle sur l’habitation imputable aux factures électriques, des frais de péages pour les engins à deux roues et la suspension des taxes dans les marchés pour les bonnes dames sont urgentes. En ce qui concerne la revalorisation des salaires, il faut relever sensiblement les bas salaires (moins de 120.000) par un ajustement de 30% par exemple contre 20% pour les salaires intermédiaires (120.001 F à 200.000 F) et 10% pour les salaires plafonnés à 300.000 et enfin 5% pour ceux qui sont au-delà de ce montant. L’annonce de la réduction des salaires politiques (chef de l’état, premier ministre, présidents d’institution, ministres, maires, députés etc.) au profit de la création d’un fond spécial de lutte contre la cherté de vie aura un effet psychologique consolant et rassurant. L’état peut aussi envisager de distribuer par des systèmes transparents du cash, de l’argent en espèce, pour les plus pauvres. Tout cela relancera l’économie et sera surtout, plus concret, même si en attendant, les mesures actuelles sont mieux que rien.
MAX-SAVI Carmel, Afrika Stratégies France