TOGO : Mifa, après la phase pilote, le bilan !

Si la crise politique peine à se résoudre malgré les dernières législatives, le Togo multiplie des initiatives de développement. La phase pilote du Mécanisme incitatif de financement agricole (Mifa) qui a bénéficié fin janvier de 20 milliards accordés par le Fida  a pris fin. Alors que se prépare le lancement à proprement dit du Plan national pour le développement (Pnd) à Lomé fin février, Afrika Stratégies France fait un détour sur l’un des sites du Mifa. Reportage !

Agou. 80 km de Lomé. Dans le ciel de Kloto, l’une des régions à pluviométrie la plus élevée du Togo, les nuages se bousculent. L’arrivée de l’harmattan n’écarte pas quelques précipitations inattendues. Le mont Agou, attractif site touristique dégage ses derniers brouillards alors que le soleil bat son plein. A Notsè Monou, un marché improvisé de produits agricoles bat son plein. Arachides cuites, maïs frais, manioc fumant et quelques galettes grasses pour un marché de quelques heures. A moins d’un kilomètre de là, un château d’eau en béton jouxte  un grand magasin. Entre deux tracteurs neufs, un petit groupe d’hommes et de femmes d’un certain âge discutent en éwé, dialecte local. Il s’agit d’une Zone d’aménagement agricole planifié (Zap) où se tient la réunion d’une des 25 coopérations qui l’exploitent. Ici comme à six autres endroits dans tout le Togo, se trouve un site aménagé pour la phase pilote du Mécanisme incitatif de financement agricole (Mifa). Objectif, assurer à l’agriculture, 39% du PIB, un financement à la hauteur de la demande afin d’assurer l’offre. Mais ce matin, l’heure n’est pas aux travaux champêtres. La coopération vient, assistée d’agronomes et d’experts mis à disposition par le ministère de l’agriculture, faire le bilan de la saison écoulée, correspondant aux six mois que devait durer la phase pilote du Mifa qui est vite apparu comme l’un des plus grands mécanismes agricoles de la sous région.

A l’heure de bilan

Ici, le bilan se fait sous l’œil vigilant de Louis, conseiller d’exploitation agricole et deux jeunes agronomes mis à disposition par le Mifa. Point de doute, la joie se lit sur les visages et agrémente la convivialité. Akou Véronique est fière d’être autonome. « Je n’ai plus besoin de personne pour répondre à mes besoins fondamentaux » concède celle qui est la 2e conseillère de la coopération. A 53 ans, cette mère de famille a été l’un des acteurs du succès, au-delà des attentes de ce site qui a produit largement plus que les 90 tonnes de riz qui lui étaient demandées. La différence ? « Elle a servi à notre consommation » répond le président qui est impatient d’entamer une nouvelle saison. « Nous voulons tripler la production cette année » promet-il. Sur le site d’Agou comme sur les principaux autres sites du pays, les objectifs ont été largement dépassés, ce qui devait favoriser la prolongation de la phase pilote ou un nouveau départ pour le mécanisme. Si la récolte a été belle cette année, c’est aussi à cause de la pluviométrie satisfaisante. C’est pourquoi, la maitrise de l’eau est l’une des préoccupations des exploitants. « Notre château d’eau ne fonctionnant pas bien, il nous faut de nouveaux systèmes de maîtrise et de gestion d’eau » implore Kossi. Septuagénaire, le président s’accroche au projet et avec lui, les siens. « L’irrigation peut être l’une des solutions » esquive Basile, le gestionnaire du site alors que l’un des agronomes présents opte plutôt pour la création d’une vaste cuvée naturelle pour contenir l’eau. Au ministère de l’agriculture, « toutes les solutions sont sur la table » assure-t-on. Mais au-delà de la maîtrise de l’eau, les groupements manquent de matériels. Malgré les investissements du gouvernement dans les engins agricoles, « nous manquons de batteuses, de moissonneuses et de décortiqueuses » énumère Koffi, le trésorier de la coopération qui espère au moins deux nouveaux tracteurs pour la prochaine saison. La phase pilote a permis la mise en place d’un système d’alerte climatique par sms. « Il s’agit de petits messages qui nous informent des menaces, intempéries et pluies » précise Kloudja, le 1er conseiller de la coopération qui espère une prochaine saison bien meilleure. En attendant, gouvernement et producteurs peuvent se frotter les mains, le Fonds international pour le développement agricole (Fida) vient d’accorder 20 milliards CFA au Mifa, ce qui permettra de résoudre une partie des difficultés.

Le Mifa en question

Il ne s’agit pas d’un système de subvention à l’agriculture. « Non, nous ne demandons pas de l’assistance » rétorque Koffi Semeyon. « Nous voulons juste qu’on nous crée les meilleures conditions d’exploitation » insiste le président de la principale coopération du site d’Agou. Et c’est justement à ce besoin que répond le Mifa. Créer les conditions à l’agro-business. Il s’agit d’un système intermédiaire entre les producteurs, ici en coopérations et les acheteurs, souvent des structures commerciales ou des individus. Mais la priorité du Mifa, c’est de rassurer les banques pour des prêts plus importants. Le taux de 5% des prêts globaux est visé à courte échéance, ce qui multipliera par quinze la production actuelle. La principale force du Mifa est d’accompagner une production qui correspond aux besoins du marché et de pousser à l’équilibre de l’offre et de la demande. S’il ne procède pas à des subventions systématiques, il garantit aux producteurs l’exploitation rationnelle de la semence par les conseils, le suivi technique de l’espace exploité ainsi que le stockage de la récolte. Le Mifa met en place une assurance qui correspond à la réalité du terrain et qui sera effective dans la suite du projet.  Il assure aussi les contacts entre producteurs et acheteurs, favorisant l’amélioration des prix de vente. Pendant la phase pilote, la récolte qui était de 1 tonne à l’hectare est passée à près de 4. La  réduction  de la semence a amoindri sensiblement les dépenses et plusieurs formations ont été organisées à l’endroit des exploitants et agriculteurs. En garantissant l’accompagnement des banques et l’arrivée imminente de l’assurance sécheresse, le Mifa devrait rendre plus attractif le secteur agricole, de plus en plus abandonné par les jeunes, faute d’organisation. Le pas vers une agriculture moderne est fait. Le système de géolocalisation permet une attribution plus précise des espaces mais aussi une plus grande protection contre les intempéries. Mais en attendant la suite du projet, plusieurs réflexions intermédiaires sont ouvertes. Faure Gnassingbé veut quant à lui, multiplier des dons d’engins aux acteurs, sous protocoles de suivi et de gestion mais aussi veiller à réduire, chaque année, le taux d’intérêt sur les prêts bancaires. Déjà à 8% au lieu des 14 initiaux, le président togolais veut les plafonner entre 5 et 6% tout en réfléchissant à un système de prêt à taux zéro au décollage du Mifa.

Un bon départ pour le Pnd

Dernière semaine de janvier. Un nouveau gouvernement a été mis en place à Lomé. Le discours de politique général du Premier ministre reconduit a été centré sur le Pnd, prochain grand enjeu de l’exécutif. 4600 milliards de CFA en cinq, il embrasse les principaux secteurs allant de l’électrification aux pistes rurales, de la réforme foncière à l’assainissement du climat des affaires. Le Mifa fait partie de ce système global de développement, mise en place depuis 2018 par le Togo avec pour principal objectif de créer une synergie de cohérence et d’harmonisation inter-sectoriel pour un développement élargi à plusieurs secteurs. Conçu au cabinet du chef de l’Etat, le Pnd a été salué par la communauté internationale et les partenaires au développement du pays. Conseillers, ministres, experts et cabinets extérieurs, plusieurs concertations accompagnées par les Nations Unies. Disponible depuis l’année dernière, ce plan enchaîne des dons, des prêts, des subventions. Il sera officiellement lancé fin février et devrait, à défaut d’une résolution durable de la crise politique, assurer un développement socioéconomique à un pays longtemps paralysé par la rupture de coopération avec l’Union européenne et des crises politiques à répétitions. Lors d’un premier conseil des ministres, les consignes ont été sans équivoque, « tout le monde autour du Pnd« . La nomination d’un jeune ministre de l’agriculture, Noël Bataka est un signal. Ingénieur agronome, il a été longtemps coordonateur du Mifa, comme si pour le chef de l’Etat, le Mifa est le poumon même du Pnd.

En attendant, entre ambitions et réalités de terrain, la mobilisation du financement reste une priorité. Pari, loin d’être gagné. M          ais Paris dont le gouvernement semble avoir pris l’entière conscience.

Afrika Stratégies France (ASF), avec l’aide de notre correspondant à Lomé

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