L’ancien capitaine de la communication du président togolais sort du silence, près de deux ans après être « tombé » du balcon des dieux. Son livre de plus de 250 pages revient sur une expérience presqu’hasardeuse pour cet éphémère journaliste qui préfère la liberté du secteur privé aux contraintes de l’administration publique. Alors qu’on s’attendait à y voir quelques esquisses secrètes du trop introverti Faure Gnassingbé, on y découvre à l’excès des perles sur son dictateur de père. Sauf qu’à lire en diagonale, le fils est « un père qui s’améliore »…
Toba sort du silence ! Expression ronflante pour ce récent quinquagénaire qui n’a aucune raison de sortir du silence puisqu’il n’y est jamais vraiment entré. Sans être extraverti, l’ex directeur de communication de la présidence togolaise est plutôt un peu trop discret pour un communicant. Posture qu’il assume bien, puisque c’est dans le secret qu’on tire les ficelles. Pendant quatre ans, il en a tiré pas mal, essayant à sa manière franche et directe d’immaculer un homme que l’histoire a, à raison souvent, couvert de sang et de quelque postiche de dictateur.
Aisée
La lecture du livre est aisée, police rondelette et taille parfois trop grande, on le lit très vite entre quelques verres en s’écroulant dans son lit. C’est ce que j’ai fait. Une lecture plutôt fainéante, curieux pour un livre qui vient d’un bosseur né. Et j’en ai tout de suite déduit qu’il y a tellement d’anecdotes dans la mémoire qu’il faille trier avec délicatesse ce qui doit être dit ou non. Un excès de prudence qui a forcé une subtile digression. Disons plutôt, « si-peu-dit-en-trop-long ». En cela j’ai été un peu déçu mais c’est du « tobaïsme » bon teint. Le juste milieu. Tenu en règle si dogmatique que chaque excès apparaît comme un pas vers l’extrémisme. La couverture douce édulcore la lecture et l’épaisseur du papier permet de torturer un peu le livre en le feuilletant, quoi de plus normal en cette période de crise où insister avec ses doigts est presqu’un tic de stress. Les 12 chapitres sont relativement longs, entre quinze et vingt pages chaque fois et aux vues des thèmes, stratégie, langage des faits, l’accession au pouvoir, de Pya à Pya, l’entrée en scène, dans la fabrique des monstres présagent de gros secrets dont je n’en ai lu aucun. Au finish, un excellent livre d’histoire que fortifient des extraits souvent croustillants que nous avons tous tôt fait d’oublier. C’est plus un partage d’expérience de communicant grassement payé (même s’il a gardé son dernier salaire dans le privé) par une présidence de la République qu’un étalage et qui connaît Toba devrait s’y attendre.
Smacher
Je déteste les mots anglicistes par excès de francophilie mais « smacher » porte à la fois une part d’ironie et une forte image sportive. A la lecture du livre, à force de vouloir en dire si peu du fils, la part belle a été faite au père. Cette obsession à vouloir lire le fils au travers du père est à la fois une forme de nostalgie et une analogie psychologique pour eux qui, du fils, en attendaient trop et ont été partiellement déçus. Ce n’est peut-être pas le cas de Toba, mais la nostalgie grandissante du règne de l’ex dictateur chez les togolais lambdas est symptomatique d’un peuple qui attendait une révolution intra-familias et a été éprouvé par la lenteur du fils et cette récurrence à faire du fils avec le bataillon du père. Et parfois les méthodes du bon vieux temps. Mais la 3e partie est tout au bénéfice de Faure Gnassingbé. On y découvre un président qu’on n’a pas connu de l’extérieur. Déterminé. Ferme. Intransigeant et même, et cela m’a fait sourire, patriotique. Notamment pendant les crises politiques de 2014 et 2017 que Toba Tanama a gérées de l’intérieur, avec souvent de la propagande, parfois quelques mensonges pour protéger son « maître », non son « dieu ».
Dé-balconner
L’idée de balcon est vite apparue, pour certains, comme prétentieuse. Mais c’est ne pas connaître l’auteur. Balcon ici est la molle humilité qui veut que du « dehors », vous soyez appelé à parler du « dedans » et à le défendre. Au mieux vous écoutez quelques échos des coups du pouvoir, au pire, vous en percevez les parfums indescriptibles et énigmatiques, entre les deux vous en êtes un commis égaré qui reçoit souvent trop de coups. Alors qu’en tant que communicant d’une approximative démocratie, vous êtes appelé à en donner la bonne image. Ce sont donc ces échos, ces odeurs, ses perceptions et cette magique sagacité un peu sorcière souvent attribuée au nawda « ethnie du nord du Togo appelée Losso auquel appartient l’auteur » qui ont été racontés, avec pudeur, avec prudence, parfois avec émotion par quelqu’un qui livre aussi une part de lui. Son admiration et sa loyauté pour son maître, mais aussi son effervescente reconnaissance. Cela ne l’a pas empêché de chuter du « balcon des dieux », avec quelques séquelles, le balcon d’un dieu n’étant jamais à « moins de sept étages » comme on le clame chez les swazis.
Max-Savi Carmel