Depuis Célestin V et plus de sept siècles, Benoît XVI a été le premier pape à renoncer à la charge pontificale, mais quelques prélats ont dû perdre la dignité du cardinalat depuis un siècle. Les plus départs retentissants, Louis Billot en 1927, Theodore McCarrick en 2018, Keith Michael Patrick O’Brien la même année et jeudi dernier, le Saint-Siège a annoncé l’abandon de ses droits liés au cardinalat de Mgr Giovanni Angelo Becciu. Entre temps, Ricardo Ezzati et Georges Pell, archevêque de Santiago de Chili et ministre des finances du Vatican sont écartés sans perdre leurs droits. Chronique de ces princes qui ont perdu la couronne pourpre.
A 72 ans, ce chevronné diplomate du Vatican était l’un des cardinaux les plus influents de la Curie romaine. Depuis août 2018, cet ancien nonce apostolique (ambassadeur) en Angola et au Cuba entre autres présidait la Congrégation pour la cause des Saints. C’est d’ailleurs à ce titre qu’il a célébré, à Oran, en décembre 2018 la béatification des dix-neuf martyrs d’Algérie dont les sept moines français de Tibhirine. Sa subite renonciation pour cause de malversations financières a pris de court tous les vaticanistes d’autant que très respecté, il est encore loin des 80 ans auxquels un cardinal prend sa retraite et n’est plus papabili, c’est-à-dire électeur en cas de conclave. Afrika Stratégies France fait le point.
Evénements inédits
Le 13 septembre 1927, Louis Billot est reçu discrètement par le pape Pie XI au Vatican. Un bref entretien et à sa sortie d’audience, le natif de la Lorraine française n’était plus cardinal. Le jésuite né en 1846 et élevé au cardinalat une quinzaine d’années plus tôt a lui-même proposé à l’évêque de Rome de le déchoir de cette dignité. Ce brillantissime théologien néo-thomiste avait nourri « des sympathies trop poussées » avec l’Action française. Sa promiscuité avec ce mouvement monarchiste d’extrême-droite a couté ses honneurs pourpres à ce remarquable professeur d’Ecriture Sainte qui mourra 4 ans plus tard, comme « simple religieux » de la Compagnie de Jésus à laquelle il appartenait. Il aura fallu attendre près d’un siècle pour qu’en 2018, le cardinal Theodore McCarrick ne soit lui, renvoyé de l’état clérical, la plus grande sanction canonique pour un religieux. Pendant un demi-siècle, l’ancien archevêque de Washington avait accumulé des accusations d’abus sexuels. Dans son cas, définitivement exclu du sacerdoce ministériel, il vit, à 90 ans, ses dernières années dans un couvent. Mais contrairement à Billot qui avait des désaccords avec la hiérarchie et McCarrick qui est accusé d’actes criminels, Mgr Giovanni Angelo Becciu est un prélat très en vue. Sa démission, alors qu’à la Curie romaine, gouvernement du Saint-Siège, ce polyglotte du diocèse d’Ozieri occupait un poste stratégique, est une grande surprise. Adulé par les trois derniers vicaires du Christ, il avait été fait Nonce apostolique par Jean Paul II avant de devenir Substitut pour les Affaires générales de la Secrétairerie d’Etat vers la fin du règne de Benoit XVI. Il a été nommé en 2017 délégué personnel auprès de l’Ordre de Malte par François qui l’a créé, un an plus tard, cardinal. L’australien Georges Pell était encore au prestigieux poste de ministre des finances du Vatican quand il a dû quitter pour aller se défendre d’accusations d’abus sexuels dans son pays. S’il a été de peu relaxé, il est annoncé fin septembre dans ville sainte.
Un honneur plus qu’un grade
Il y a une importante différence entre le fait d’être écarté du cardinalat et la démission, souvent volontaire qui peut être due à diverses raisons personnelles. C’est le cas récent, du Cardinal Barbarin qui, bien que relaxé par la justice française des accusations de silence sur les abus sexuels du père Preynat, a préféré quitté ses charges épiscopales tout en restant cardinal. Aussi, l’âge limite étant de 80 ans, chaque cardinal qui l’atteint se met à la retraite par une procédure protocolaire de démission, quitte ses charges officielles (dicastère ou diocèse) sans jamais cesser d’être prince de l’Eglise. C’est le cas du cardinal suisse Henri Schwery qui aura dirigé pendant près de deux décennies le diocèse de Sion. Sauf que dans pour ces trois évoqués plus haut, il s’agit d’une mise à l’écart de la dignité cardinalice avec perte des droits liés à cet état. Ce qui est un fait rare. Mais contrairement au diaconat, au presbytérat et à l’épiscopat qui sont les trois degrés du sacerdoce ministériel, le cardinalat est un honneur auquel le pape appelle des clercs qui sont censés l’accompagner dans la gestion des affaires quotidiennes de l’Eglise. Cette marque de confiance intervient lors d’un consistoire, le dernier au cours duquel dix cardinaux ont été créés a eu lieu en octobre 2019.
Les exceptions O’Brien et Ezzati
La renonciation aux droits cardinalices de Keith Michael Patrick O’Brien tombe à la veille d’un conclave en 2013. Après la démission de Benoit XVI et alors que toute l’Eglise attendait l’élection d’un nouveau pape, l’écossais qui était jusqu’alors archevêque d’Edimbourg n’a pu participer au choix du nouveau pontife. Il a renoncé lui-même, éclaboussé par des accusations récurrentes de « comportements indécents« . Il choisit de ne pas participer au conclave pour que son « cas personnel n’enflamme pas les médias« . Mais il a fallu attendre mars 2015 pour qu’il fasse une croix sur ses « droits et prérogatives cardinalices » même s’il a gardé, jusqu’à sa mort trois ans jour pour jour plus tard, le titre de cardinal. Il avait 80 ans. Quant au respecté archevêque de Santiago de Chili, les accusations à son encontre portent sur des cas de viols de clercs qu’il a cachés. Compte tenu de la situation des abus sexuels dans son pays, le pays a vite accepté sa démission en 2019 après une longue audience que le vicaire du Christ a accordé à l conférence épiscopale chilienne.
Sur ces six cas, seuls trois, Billot, McCarrick et Becciu ont perdu le titre de cardinal, O’Brien l’a gardé sans en jouir, Ezzati, 78 ans, et Pell, 79 ans pourront, quant à eux, prendre part au conclave si le pape François abdique ou meurt avant leurs 80 ans.
MAX-SAVI Carmel, Afrika Stratégies France