Au Mali, la junte au pouvoir demande à la France de retirer ses soldats « sans délai »
Une réaction officielle était attendue depuis plus de vingt-quatre heures. La junte au pouvoir à Bamako a demandé à la France, vendredi 18 février, de « retirer sans délai » ses soldats du Mali, au lendemain de l’annonce par Paris et ses partenaires d’un retrait échelonné sur les prochains mois.
Dans un communiqué lu à la télévision nationale, le porte-parole du gouvernement installé par les militaires, le colonel Abdoulaye Maïga, a qualifié l’annonce du désengagement français de « violation flagrante » des accords entre les deux pays. Il a également estimé que les résultats de neuf ans d’engagement français au Mali dans le cadre de l’opération « Serval » puis « Barkhane » n’avaient « pas été satisfaisants ».
Fin de non-recevoir d’Emmanuel Macron
Cette demande de retrait immédiat « sous la supervision des autorités maliennes » de la part des colonels arrivés au pouvoir par la force en août 2020 est un nouveau défi à l’ancien partenaire français, après des mois de montée des tensions.
Le président de la République française, Emmanuel Macron, y a opposé une fin de non-recevoir. « Nous avons annoncé la “réarticulation” du dispositif et il s’appliquera en bon ordre afin d’assurer la sécurité de la mission des Nations unies et de toutes les forces déployées au Mali. Je ne transigerai pas une seconde sur leur sécurité », a averti le chef de l’Etat lors d’une conférence de presse à l’issue du 6e sommet entre l’Union européenne et l’Union africaine à Bruxelles.
Quelque 2 400 militaires français sont déployés au Mali, soit plus de la moitié des 4 600 engagés au Sahel. Le désengagement de ces hommes, le démantèlement de leurs bases, ainsi que l’évacuation des matériels, dont des centaines de véhicules blindés, représentait déjà en soi un chantier colossal et dangereux. Le président français avait fait savoir jeudi que la fermeture des trois bases – Gao, Ménaka et Gossi – prendrait quatre à six mois.
« Nous ne pouvons pas rester engagés militairement aux côtés d’autorités de fait dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés », a expliqué jeudi le président français pour justifier la décision de mettre fin à l’opération « Barkhane ».
Paris et ses partenaires souhaitent toutefois « rester engagés dans la région » du Sahel et « étendre leur soutien aux pays voisins du golfe de Guinée et d’Afrique de l’Ouest », où les djihadistes menacent de se disséminer, selon une déclaration conjointe signée par 25 pays européens, africains et le Canada. La France et les Occidentaux dénoncent, en outre, l’appel fait, selon eux, par les autorités maliennes au groupe de sécurité privée russe Wagner, aux agissements controversés. Les autorités maliennes assurent, de leur côté, ne pas recourir à des mercenaires et parlent de coopération d’Etat à Etat avec la Russie.
Inquiétude pour la Minusma
Jeudi, Emmanuel Macrona fait savoir que le dispositif militaire français se repositionnerait au Niger. Le président de l’Union africaine, le Sénégalais Macky Sall, a, lui, fait part de son inquiétude quant à l’avenir de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali (Minusma).
« Va-t-elle pouvoir rester au Mali ? Qui va assurer sa sécurité ? », a demandé M. Sall. « La Minusma est une force de maintien de la paix. Ce sont des casques bleus. Ils n’ont ni le matériel ni le mandat pour faire la guerre. Qui va les protéger ? », a insisté le chef de l’Etat sénégalais.
La Minusma, créée en 2013 lors du déclenchement des insurrections indépendantiste et djihadiste l’année précédente, déploie plus de 12 000 soldats au Mali. C’est la mission la plus meurtrière au monde pour les casques bleus (plus de 150 morts dans des actes hostiles).
Afrika Stratégies France avec Le Monde Afrique