BENIN : Ne pas obtenir la libération de Madougou en marge de la visite de Macron est un camouflet pour la diplomatie française
Emmanuel Macron est de passage à Cotonou, il y restera deux jours. Le président français a eu un long échange mercredi matin avec son homologue béninois et avant même qu’il ne quitte le territoire, quelques prisonniers politique dont Nadine Okounmasou et Houdou Ali ont été libérés. Si le cas Madougou et des autres prisonniers n’a été abordé que sobrement, l’occasion est plus que bonne d’autant que Talon donne l’impression de vouloir d’une décrispation.
Lors de leur rencontre publique avec la presse à Cotonou, la question des prisonniers politiques a été sabordée par Patrice Talon. Le président béninois, comble du ridicule s’est livré à des acrobaties alambiquées et de sournoises comparaisons aux gilets jaunes pour finir par nier qu’il ait des prisonniers politiques au Bénin. Remarquable cynisme. Au finish, chacun des présidents a fait l’option de la prudence. Les deux hommes se sont concentrés plutôt sur les questions bilatérales et bien évidemment, la présence de la Russie en Afrique. Une des principales raisons de cette tournée africaine, Macron n’ayant pas caché, à Yaoundé comme à Cotonou, son agacement du « néocolonialisme russe ». Pathé
La gauche française l’espérait
On oublie peut-être de le rappeler mais Patrice Talon est un dictateur, et même sanguinaire, on a assisté en mai 2019 à un massacre de contestataires en marge des législatives. On oublie aussi parfois que les 91 députés du parlement béninois sont tous issus de ses deux seuls partis politiques et qu’il a inventé un imbroglio de conformité pour écarter tous les partis d’opposition. On ne se souvient pas assez du fait que les 77 maires du pays sont soit de ses deux partis, soit d’un troisième parti allié et que, là encore, l’opposition a été insidieusement écartée. Plusieurs centaines d’acteurs politiques de divers niveaux sont en exil notamment Sébastien Ajavon, arrivé en 3e position lors de la présidentielle de 2016, Komi Koutché, ancien ministre des finances ou encore Léhady Soglo, ancien maire de Cotonou, chassé de la tête de la ville bien qu’il ait été élu. Des journalistes ont fait la prison récemment et la presse libre a été écrasée. Plus aucun média critique n’existe au Bénin, radios, télévisions et journaux résistants ayant été tous suspendus. La Nouvelle Tribune est la meilleure illustration de cette guerre aux médias qui s’est soldée des journaux devenus relais de la propagande d’état. C’est ce qui justifie que quelques jours avant le voyage, 76 députés de la gauche française ont signé une tribune dans Marianne pour demander la libération des prisonniers politiques et l’évocation de la question des droits de l’homme. Le cas de Reckya Madougou et de Joël Aïvo étaient clairement évoqués.
Madougou et Aïvo, les gros poissons
Ce sont sans doute les deux gros poissons de la pêche anti-démocratique de Patrice Talon. Reckya Madougou fut brillantissime ministre notamment garde des sceaux sous Yayi Boni. Joël Aïvo est l’un des meilleurs constitutionnalistes
Prévenir l’escalade avant les législatives
Le pays devrait aller à des élections législatives dans les prochains mois, notamment en janvier 2023. Cette échéance est dans tous les esprits à Cotonou et est source de crainte d‘autant que pour la première fois dans l’histoire des trente dernières années au Bénin, les dernières législatives ont été ensanglantées du fait pour Patrice Talon d’avoir écarté toute son opposition. Les deux seuls partis qui y ont pris part, le Bloc Républicain (Br) et l’Union progressiste (Up) étaient les seuls appartenant au chef de l’état. Une inquiétante recula
MAX-SAVI Carmel*
*MAX_SAVI Carmel est journaliste d’origine béninoise et vivant en France. Il est Directeur de la rédaction d’Afrika Stratégies France.