Teodorin Obiang Nguema, fils du dictateur de Guinée Équatoriale, a été interpellé avec sa suite à Sao Paulo avec plus de 1,5 million de dollars en cash et des montres estimées à 15 millions. En 2017, il avait été condamné par la justice française à trois ans de prison avec sursis pour blanchiment.
Teodorin Obiang Nguema n’entend rien changer à sa vie fastueuse. Le fils du président de Guinée Équatoriale, un petit pays pétrolier d’Afrique centrale, continue, sans la moindre limite, ses frasques de pilier de la jetset avec les caisses de l’État. Les scandales et les condamnations ne l’arrêtent en rien. Le dernier épisode en date s’est déroulé au Brésil. Vendredi au petit matin, Teodorin et sa suite de 11 personnes ont été arrêtés par les douaniers à la sortie d’un Boeing 777 privé dans un aéroport proche de Sao Paolo. Dans les 19 valises – Vuitton -, les fonctionnaires ont découvert 1,5 million de dollars en liquide, ainsi qu’une douzaine de montres dont la valeur est estimée à 15 millions de dollars. Or, la loi brésilienne interdit d’introduire dans le pays des sommes en cash supérieures à 10 000 reais (2400 dollars). Les biens ont donc été confisqués.
Teodorin, 48 ans, couvert par l’immunité diplomatique que lui confère son poste de vice-président de Guinée équatoriale, a vite continué sa route, en hélicoptère, vers son somptueux hôtel. Ses proches ont dû attendre, retenus jusque dans la soirée. D’abord silencieuse, l’ambassade de Guinée Équatoriale s’est ensuite émue de cette arrestation «arbitraire» et a affirmé que cet argent était destiné à payer des «soins médicaux». Quant aux montres, elles seraient à «usage personnel», les initiales du rejeton étant gravées dessus. Plus tard, un proche s’est plaint que l’argent restitué – les 2400 dollars légaux – ne permettait pas de payer «une minute de l’hôtel» de Teodorin.
La presse brésilienne s’est emparée de cette affaire. Teodorin Obiang n’est pas un inconnu. Il avait fait grincer bien des dents quand, en 2016, un char aux couleurs de Guinée Équatoriale avait été distingué au Carnaval de Rio. Selon les médias, Teodorin avait versé à l’époque 3,5 millions de dollars à l’école de samba victorieuse.
Une délirante frénésie d’achats
Rentré dimanche à Malabo, le «fils tout-puissant» a sans doute déjà oublié cette mésaventure et la perte financière, somme toute modeste aux regards de ses déboires passés. Une simple peccadille même après les ennuis rencontrés en Suisse et surtout en France. Teodorin a été condamné en 2017 par le tribunal correctionnel de Paris à trois ans de prison avec sursis et à 30 millions d’euros d’amende pour «blanchiment». Il a fait appel de cette condamnation.
La valeur des seuls navires de Teodorin Obiang dépasse le budget annuel consacré l’Éducation en Guinée
Surtout, l’enquête dite des «biens mal acquis» avait étalé au grand jour la délirante frénésie d’achats de Obiang Jr. Outre un hôtel particulier avenue Foch estimé à 90 millions d’euros, les policiers avaient saisi pour des millions de dollars de voitures – Ferrari, Bentley, Maserati… – d’objets d’art ou de vêtements. L’un de ses yachts, l’Ice (90 mètres, 250 millions de dollars), avait échappé aux magistrats. Il a appareillé de Monaco à temps. L’analyse plus précise de son quotidien avait mis en lumière son absolu manque de retenue: le désormais vice-président pouvait flamber en un jour plusieurs centaines de milliers d’euros en montres place Vendôme ou plusieurs millions dans des ventes, comme lors de la succession d’Yves Saint-Laurent.
Au total, entre 1997 et 2011, les enquêteurs ont calculé que Teodorin aurait dépensé au moins 150 millions d’euros en France. Une fortune que son salaire d’alors – ses modestes émoluments de ministre des Forêts – ne justifiait pas. Les juges suisses soupçonnent eux aussi des opérations de blanchiment. En 2016, onze voitures ont été saisies et Berne a demandé aux autorités des Pays-Bas la mise sous séquestre d’un autre yacht, l’Ebony Shine (70 mètres et 100 millions de dollars).
La valeur des seuls navires du vice-président dépasse le budget annuel consacré l’Éducation en Guinée où la mortalité infantile est de plus de 90 pour 1000, l’un des taux les plus élevés d’Afrique. En 2008, le PIB par habitant du pays était pourtant supérieur à 22 000 dollars, soit alors presque celui du Portugal. Teodoro Obiang Nguema dirige sans partage la Guinée depuis 39 ans.
Tanguy Berthemet , Le Figaro