En marge du sommet sino-africain de Pékin, le Togo a organisé un forum autour du Plan national de développement, Pnd. Faure Gnassingbé a enchaîné visites et soutiens de Pékin à Zhejiang. Mais pour une mise en œuvre du plan quinquennal 2018-2022, encore faudrait-il sortir le pays de la léthargie dans laquelle une crise politique l’a plongé.
A la veille du sommet de Pékin, Faure Gnassingbé donne le signal d’une relation bilatérale d’exception. Le président togolais rend hommage à la Chine et à Xi Jiping qu’il qualifie « d’ami » en recevant les lettres de créances de Chao Weidong, nouvel ambassadeur de Pékin. Quelques jours après, l’introverti président togolais dont la parole s’est faite rare au fil des années a donné une abondante interview à la télévision publique chinoise. Avant de s’envoler pour la Chine pour l’une de ses visites les plus longues (10 jours) avec un agenda qui n’aura été d’aucun repos.
Une équipe de premier choix
La réussite du forum et d’une certaine manière, de la participation du Togo au sommet est avant tout une histoire d’équipe. En amont, un travail de lobbying très professionnel réalisé par un institut britannique dont l’un des principaux conseillers était présent. Très impliqué dans l’industrialisation et la révolution agricole en Ethiopie, l’institut présidé par l’ancien Premier ministre britannique, Tony Blair, conseille le président togolais sur d’autres projets liés au développement. Faure Gnassingbé s’est pour l’occasion fait accompagner par Adé Ayéyémi, CEO de Ecobank dont le groupe, devenu une légende tropicale, a vu le jour au Togo. Au nombre de la délégation, plusieurs ministres dont celui des affaires étrangères, Robert Dussey ou la directrice de cabinet Victoire Dogbé ou encore, Cina Lawson en charge de l’économie numérique. La conseillère spéciale Reckya Madougou très impliquée dans le Mifa, un volet du Pnd, d’autres collaborateurs du président, la cellule Climat des affaires et celle présidentielle d’exécution et de suivi étaient aussi de la délégation ainsi que plusieurs opérateurs économiques togolais.
La rafle togolaise en terre chinoise
Au-delà du sommet proprement dit, le Togo a profité de son forum spécial pour mobiliser autour de son Plan national de développement mais aussi vanter sa position stratégique dans la sous région. Un environnement de plus en plus favorable aux affaires, ce qui justifie aussi la présence de Adé Ayéyémi qui a insisté sur l’accompagnement dont a bénéficié Ecobank depuis son lancement, comme pour rassurer les potentiels investisseurs de l’attention qu’ils peuvent espérer d’un chef d’Etat qui fait de l’entreprenariat le point central de sa politique d’emplois dans un pays où la fonction publique montre déjà ses limites. La séance de travail avec Hanghzou Economic et Technological Developpement Area sera l’occasion d’ouvrir à des industriels et autres hommes d’affaires chinois le marché togolais mais aussi de négocier des accords précis sur des projets en cours. Faure Gnassingbé insistera sur les acquis de Lomé, la capitale. Notamment un port en eau profonde, un aéroport capable d’accueillir 2 millions de passagers par an et surtout une zone franche propice aux petites et moyennes industries. Le patron du Fonds de développement sino-africain, Shi Jiyang, très sensible à la pertinence du Pnd a promis « l’apport inéluctable » de son fonds.
Le Pnd en question
7 milliards d’euros d’investissements ciblés, le Pnd serait l’un des meilleurs plans de développement du continent. Il peut déjà, pour son financement, compter sur Afrieximbank dont le président a pris part au forum et a manifesté la disponibilité de son institution à l’accompagner. Le Pnd se décline sur trois axes. Ouvrir le Togo sur le monde en faisant de Lomé un hub financier continental et d’affaire de premier plan pour l’Afrique est le premier axe. Puis, le second tourne autour du développement proprement dit avec une révolution agricole, une intensification de la dynamique industrielle et un renforcement de la capacité énergétique avec l’extension de l’électricité à 50% de la population d’ici deux ans et à 75% en 2025. Et enfin, le développement social avec une meilleure prise en compte de la qualité de vie (santé, éducation, protection sociale et environnementale). Tout cela aura pour conséquence à moyen terme la réduction du déficit budgétaire, de l’inflation et une sensible augmentation de la croissance économique qui devrait atteindre plus de 7,5% en 2022 contre 5% actuellement.
Le Mifa, volet déjà actif
C’est le volet le plus actif du Pnd dont le terrain porte les premiers fruits. Il s’agit de 7 sites aménagés dans les cinq régions du pays pour servir de laboratoire pour la relance de l’agriculture. Particularité ? La diversification des cultures, l’élargissement des sources de financements et l’adaptation de la culture aux besoins du marché. Avec en amont un rapprochement entre les agriculteurs et les financements qui se sont faits rares au fil du temps. Objectif, créer 500.000 emplois au sein de la jeunesse. Soutenu par le Fonds international pour le développement agricole (Fida) et la Banque africaine de développement (Bad), il est déjà une réalité sur le terrain et porte ses premiers fruits. Il met à l’épreuve de jeunes talents mobilisés et est à une phase pilote intensive. Faure Gnassingbé en a fait une priorité d’autant qu’à peine un mois après le lancement fin juin, le gouvernement a procédé très rapidement à l’adoption du Pnd dont le Mifa est un pan. Quelques jours plus tôt, mi-juillet, le chef de l’Etat s’est déplacé en personne pour la remise de 100 millions aux premiers bénéficiaires à Tagnamboul (500km au nord du Togo) avec la promesse d’atteindre 6000 professionnels bénéficiaires avant la fin de l’année.
Mais au-delà des bonnes intentions et du plan si visionnaire qu’il soit, le plus grand défi est de pouvoir sortir définitivement de la crise politique qui mine le pays. Malgré la feuille de route de la Cedeao (communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest), rien n’est encore gagné d’autant que l’opposition appelle à de nouvelles manifestations.
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