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CÔTE D’IVOIRE : Adjoumani, le dernier buffle du troisième mandat

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Intransigeant et inflexible, il est le premier défenseur du 3e mandat que veut s’offrir le président ivoirien. Cohérent, aux arguments aussi bien truculents qu’éclectiques, il porte une forte conviction qu’il veut, de toute son énergie, propager. Fougueux, téméraire et parfois obsessionnel, cet ancien professeur de français et père de 6 enfants est aussi un loyal et émotif qui ne jure que par Alassane Ouattara. Poulain de Amadou Gon Coulibaly et très admiratif du chef de l’Etat, ce futé politicien est au four et au moulin pour imposer un troisième mandat qui peine à passer. Portrait !

Ouattaro-goniste ! Voici l’expression qui le désigne le mieux. Jusqu’au décès de l’ancien Premier ministre début juillet, il en était un très proche et jouait, à l’interne de la majorité présidentielle et face aux détracteurs de Gon Coulibaly, le rôle de garde du corps politique. Ministre de l’agriculture et du développement rural dans l’actuel gouvernement, ce natif de Tanda (Nord-est) aura été pendant près d’une décennie ministre des ressources animales et halieutiques depuis l’arrivée au pouvoir de Ouattara. C’est donc un homme politique avéré qui se révèle à l’occasion de ce troisième mandat, avec la virulence et la détermination mais aussi la force d’un véritable buffle. Homme de terrain, élu député sans discontinuité depuis un quart de siècle, et rhétorique redouté, ce linguiste de 57 ans saute à l’eau sans réfléchir. Emissions radio, débats télévisés, interviews de journaux et sorties sur les réseaux sociaux, il est un touche à tout dont la sympathie débonnaire et la proximité avec le peuple sont les principaux atouts. Mais c’est aussi un baron critiqué au sein de la majorité présidentielle pour son style de pourfendeur qui dérange les modérés. « C’est plutôt de la pure jalousie » conclut l’un de ses proches, alors que celui qui fut, jusqu’en 2018, un influent membre du bureau politique du Parti démocratique de la Côte d‘Ivoire, passé dans l’opposition, sera un poids lourd de la campagne pour la réélection de Ouattara.

Vieux de la vieille épopée

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Au Lycée Leboutou de Dabou où commence sa carrière de professeur de lettres, tout est allé très vite pour ce bagarreur qui a décroché dès 1984 un bac A. Dix ans plus tard, le diplômé de Lettres modernes de l’Université d’Abidjan et de Linguistique appliquée est déjà député. Ainsi débute une carrière politique, pour le compte du Parti démocratique de Côte d‘Ivoire, créé en 1946 par Félix Houphouët Boigny. Dès le début, Adjoumani a compris qu’il faut batailler pour monter au sein du parti au sein duquel les promotions sont rendues confrériques par les proches du Sphinx de Daoukro. Mais le parti sera vite un espace d’épanouissement politique pour cet Ambassadeur de la paix de la Fédération pour la paix universelle qu’il fut. Homme de proximité, il enchainera des succès électoraux à la base. Député mais aussi conseiller régional ce Commandeur de l’ordre de Mérite agricole ivoirien devient, en 2002 pour la première fois ministre. Depuis, ce très proche de Amadou Gon Coulibaly n’a jamais quitté le gouvernement. Au sein de la majorité, il fait partie de ceux qui, contre vents et marées, ont soutenu le choix de l’ancien Premier ministre comme candidat du parti avant sa brutale disparition début juillet. Dès lors, ce pragmatique polyglotte qui aura été Conseiller à la primature et président de la Commission des affaires sociales et culturelles du parlement ivoirien s’est rabattu sur Ouattara. Et est vite devenu le pèlerin sans armes d’un troisième mandat auquel une partie des ivoiriens s’oppose. Ce qui est bien loin de décourager le trublion qui fonce.

Un, deux puis 1er mandant !

Dans la foulée de l’investiture de Alassane Ouattara comme candidat du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), l’ancien président du Conseil régional de Tanda a enchaîné des sorties. Il n’est pas juriste et le reconnaît à demi-mot lors d’une émission qui a fait le chou gras des spectateurs de la radio télévision ivoirienne, chaine publique. Mais explique, à la manière qui avantage son parti, le phénomène de trois mandats en un. Pour lui, « Alassane Ouattara fait, de 2020 à 2025 son premier mandat et peut, s’il le souhaite, faire un second » sans violer la constitution. Son style fluide et pédagogique d’ancien enseignant lui a facilité la tâche pour expliquer, avec des mots et images qui sont les siens, le 3e mandat. Car pour Kobenan Kouassi Adjoumani, il ne s’agit pas réellement d’un 3e mandat, mais « d’un 1er mandat sous la 3e République » car chaque « nouvelle République remet le compteur à zéro » argue ce diplômé du Paul Harris Fellow qui est capable d’un sens de la rhétorique à nul autre pareil. Un discours structuré qui lui vaut aussi bien la colère de l’opposition qu’une certaine détraction à l’intérieure de son propre parti car cette témérité rehausse au sein de la majorité l’influence d’un homme qu’on n’a pas vu venir.

Une présidentielle délicate

Quoiqu’on dise, cette présidentielle d’octobre 2020 restera l’une des plus délicates de l’histoire de la Côte d’Ivoire. Car, celle de 2010 qui a engendré une crise ayant fait au moins 3000 morts est encore dans tous les esprits. Mais au-delà, cette élection est aussi celle qui tient à l’écart le plus grand nombre de personnes en conflit avec la loi. Guillaume Soro, ancien président du parlement ivoirien est en exil en France et Laurent Gbagbo est en attente de son procès en appel à la Cour pénale internationale. Ni l’un, ni l’autre, ni même Charles Blé Goudé ne seront candidats. Comme l’a prévu la loi ivoirienne depuis toujours, ils sont exclus de la liste électorale du fait même d’avoir été condamnés par la justice nationale. De l’extérieur, l’un et l’autre peuvent contribuer à enflammer un scrutin que le président sortant veut « calme et paisible ». Des incidents ont d’ailleurs émaillé des manifestations dans l’ouest du pays ces derniers jours mais le Premier ministre et ministre de la défense mobilise tous les moyens pour garantir la stabilité de la présidentielle. C’est un défi personnel pour Hamed Bakayoko dont la maitrise de la situation ne souffre d’aucun doute.

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