Homme de lettres finement cultivé et à la lecture éclectique, l’actuel porte-parole du gouvernement ivoirien est un passionné de la langue française. L’ancien étudiant de lettres modernes qui a parfois été la plume de l’ex Premier ministre Gon Coulibaly fera du portefeuille de la francophonie joint à celui de la communication dont il est titulaire une priorité. La séance de travail fin juin avec la Commission Nationale de la Francophonie (CNF) en donne le ton.
Passionné par son nouveau job et surtout, comme il l’a toujours été, à l’écoute des divers secteurs de son ministère Amadou Coulibaly aime les séances de travail pratiques. Et ce n’est pas le récent grade de commandeur dont il fut auréolé la semaine dernière qui va refroidir ses ardeurs et sa détermination. « Associer les acteurs du secteur concerné à la discussion et les écouter prioritairement » est sa méthode, déjà bien connue au ministère de la communication où il boucle le 06 juillet trois mois. Ce mercredi, c’est la Commission nationale de la francophonie (Cnf) qui est à l’honneur. Si Amadou Coulibaly est un fin passionné de la langue française, la rencontre ne vise pas seulement à relancer ce département « diplomatique » de son ministère mais travailler déjà à la participation de la Côte d’Ivoire au sommet de Djerba. En effet, l’île tunisienne reçoit le XVIIIe sommet de la francophonie les 20 et 21 novembre. Et il n’est pas question que la Côte d’Ivoire dont la particularité linguistique en matière de français a fait son entrée à l’Académie à travers quelques mots nouchi fasse une piètre participation.
Quand Abidjan s’invite à l’Académie par « son français »
« s’enjailler, boucantier » ont déjà fait leur entrée dans le Larousse, légendaire dictionnaire de la langue français placé sous la paternité de l’Académie française. Les « Immortels » comme appelle les membres de la sélecte institution pourraient bientôt autoriser « mogô » qui désigne « le chef » en langage ivoirien ou encore « gagne-temps » ce décalant mot composé qui signifie « vite s’en aller ». D’ailleurs cette expression exprime bien l’image que le registre familier ivoirien lui attribue « gagner du temps » qui va bien avec « s’en aller vite ». C’est un honneur pour Félix Houphouët-Boigny, indétrônable ancêtre de la françafrique, que son pays serve de laboratoire pour ses vocables africains de plus en plus adulés par la langue française. Pour le ministre de la communication, en charge de la francophonie, il faut maintenir la flamme de cet argot qui particularise les pratiques idiomatiques du pays mais aussi revitaliser la francophonie. « Elle est l’enfant pauvre de la politique du gouvernement » reconnait une journaliste ivoirienne qui comprend parfaitement que « le président de la République la fasse ressortir dans l’attribution des portefeuilles ministériels ». Car, par le passé, la » francophonie » ne figurait pas souvent au nombre des ministères. En faisant ce choix, Alassane Ouattara qui connait les dispositions littéraires de son ministre n’a pas voulu que mettre à l’épreuve cet homme de culture, il veut aussi que la Côte d’Ivoire retrouve sa place au sein de cette communauté.
La Cnf en question
La francophonie, c’est tout de même une exceptionnelle communauté de destin qui regroupe au moins de 88 Etats. Créée en 1970, elle vise la promotion de la langue française mais aussi la mise en exergue de la diversité des pays qui partagent la langue de Molière, en partie les anciennes colonies françaises. En Côte d’Ivoire et contrairement à beaucoup d’autres pays de la sous-région, une commission nationale est dédiée à la francophonie avec pour mission d’organiser la participation du pays aux sommets et autres rencontres tout en rendant visible son implication et ses atouts « francophones » dans le concert de la Nation. Basée aux Deux-Plateaux, elle a discuté avec le ministre, la semaine dernière de la participation du pays au sommet de Djerba. Il s’agit donc d’une réunion d’informations qui vise « une participation de qualité » selon le ministère. Pour faciliter le travail, quatre groupes ont été mis en place notamment « Sommet et Conférence Ministérielle de la Francophonie », « Village de la Francophonie », « Forum économique », « Technique et Logistique ». Diaby Mouminatou Barry, la secrétaire générale de ladite commission est « satisfaite de l’intérêt que porte le ministre et par ricochet le gouvernement aux préparatifs du sommet » et espère que « cela ne renforce la vocation francophone de la Côte d’Ivoire ».
Le sommet de Djerba en vue
Le sommet de Djerba était initialement prévu pour se tenir en Tunis mais le gouvernement a préféré, après le report, l’éloigner de la capitale pour le placer à l’abri de la pandémie qui frappe la principale ville du pays. Le thème de cette année, « Connectivité dans la diversité : le Numérique, vecteur de développement et de solidarité dans l’espace francophone » est d’actualité et devrait contribuer à réduire la fracture numérique qui mine le continent et le place en queue de peloton des régions les plus connectés du monde. Le ministre a déjà prévenu que la prochaine étape sera une visite sur place, bien avant le sommet, d’une équipe en vue de « s’assurer de ce que les dispositions idoines sont prises » pour l’accueil de la délégation officielle, à priori conduite par le chef de l’Etat ou son Premier ministre.
La Côte d’Ivoire est l’un des pays subsahariens les plus présents en Tunisie avec une ambassade, chose rare pour d’autres pays de la sous-région mais surtout une forte communauté estudiantine. Un sommet du genre est aussi une occasion de rapprochement entre la diaspora et les autorités.
Afrika Stratégies France/Tribune d’Afrique