CÔTE D’IVOIRE : Gon Coulibaly, une active convalescence qui couve une explosive dynamique électorale
Une dizaine de jours après son voyage pour des contrôles de routine en France, Amadou Gon Coulibaly se porte bien. Malgré son impatience à revenir au pays et à se remettre au travail pour ce suractif de 61 ans, le président ivoirien insiste pour qu’il se repose. Son investiture prochaine ainsi que celle annoncée mi-juin de Henri Konan Bédié animeront les prochaines semaines politiques alors que Mamadou Koulibaly, patron de Lider prendra part aussi à la présidentielle d’octobre prochain. Si la frange pro-Gbagbo du Fpi devrait soutenir le Sphinx de Daoukro, Pascal Affi N’guessan n’a pas encore dit son dernier mot. Le retour fin mai du Premier ministre relancera absolument pour de bon les enjeux électoraux qui couvent à Abidjan. Faits et décryptage !
Le premier ministre ivoirien a été, dans la foulée d’un malaise, évacué sur Paris pour des contrôles de routine. L’annonce a pris de court les réseaux sociaux puisqu’elle a fait l’objet d’un communiqué de la Présidence de la République qui, dans la foulée, lui a désigné un intérimaire. Depuis deux semaines, Hamed Bakayoko fait office de chef de l’exécutif, comme le prévoit le protocole d’autant que le ministre de la sécurité est aussi ministre d’Etat. A Abidjan, malgré la transparence dont le gouvernement a fait preuve, la polémique enfle, inventant, dans l’ébullition des réseaux sociaux, le pire. Des polémiques d’autant plus inflammables que Amadou Gon Coulibaly est le candidat désigné du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp). D’ailleurs, dans les coulisses de la majorité présidentielle, son investiture se prépare pour fin juin. Car le 31 octobre, la Côte d’Ivoire connaîtra sa première présidentielle post guerre ouverte à l’alternance du fait que le président sortant ne se présente pas. Si face à une opposition éclectique et divisée, la victoire du dauphin de Ouattara fait peu de doute, il devrait, d’ici là, faire face à la polémique que suscite son maintien ou non à la primature. Si le remaniement du gouvernement le 13 mai dernier renforce la maitrise de la situation de Gon Coulibaly malgré son absence, le retour en Côte d’Ivoire du Premier ministre donnera le top de la guéguerre électorale qui promet d’être pleine de rebondissements.
Des contrôles de routine
Le Premier ministre devait, à la suite d’une opération de cœur il y a quelques années, subir des contrôles de routine notamment en début d’année. Mais l’avènement du Coronavirus a changé les donnes d’autant que le chef du gouvernement en coordonnait la riposte avec les experts et ministres concernés. Il a été d’ailleurs aperçu, le 1er mai, faisant, à l’occasion de la fête du travail, une déclaration à l’auditorium de la Primature. Le lendemain, quelques heures avant de quitter Abidjan, il a reçu plusieurs collaborateurs à son domicile de Cocody avant de se sentir, en après midi, de moins en moins bien. Parti du GATL ( Groupement aérien de transport et de liaison) la veille, il arrive au Bourget le 03 mai, il a été accueilli par l’ambassadeur de son pays avant de se soumettre aux premiers examens. Au bout de 48 heures, il allait déjà assez bien pour continuer sa convalescence à son domicile parisien tout en faisant, ce qui est de règle, un suivi auprès d’un autre hôpital de la capitale française. Il ne s’agissait donc pas d’une situation aussi grave que l’ont « buzzé » les réseaux sociaux, souvent amplifiés par des proches de Guillaume Soro qui ont multiplié fake news et grotesques mensonges alors que leur sulfureux leader avait exprimé à l’endroit de Gon Coulibaly « ses vœux de prompt rétablissement« . La classe politique dans son ensemble est restée solidaire de ce grand bosseur et nul n’a remis en cause sa capacité à continuer à diriger son gouvernement dont le léger dernier remaniement en fait une équipe de combat pour la présidentielle.
Une convalescence active
Mais comme à son habitude, Amadou Gon Coulibaly n’a pas, depuis sa sortie d’hôpital, pu s’accorder vraiment le repos mérité. Ses proches insistent sur le fait qu’il a très vite continué à travailler à distance, ce qui n’a pas rendu nécessaire le fait de confirmer par décret la nomination d’un nouveau chef du gouvernement. Hamed Bakayoko doit en assumer l’intérim jusqu’au retour du titulaire qui devrait, sauf surprise, rester en poste jusqu’à la rentrée politique (septembre). Ou même, comme le soutiennent certains de ses ministres, « jusqu’à la présidentielle » d’autant qu’aucune loi ni jurisprudence n’impose une règle en la pratique. En attendant, comme le révèle une vidéo de télé-appel entre les deux têtes de l’exécutif ivoirien, le Premier ministre qu’on voit échanger avec le chef de l’Etat depuis sa résidence de convalescence dans le 16e arrondissement de la capitale française semblait en forme. Il a même évoqué quelques dossiers sur lesquels il travaillait « sans relâche » tout en approuvant d’un geste de tête les conseils de repos prodigués par Alassane Ouattara. Mais ceux qui connaissent ce technocrate depuis des décennies doutent de ce qu’il puisse vraiment se mettre à l’écart des affaires. La convalescence reste donc très active pour celui qui coordonnait le plan de riposte contre le Covid-19 et avait multiplié des réunions, jusqu’à quelques heures avant son départ d’Abidjan le 02 mai. Il reste, en convalescence très active et la pose de stents qu’il a subie « n’affecte aucunement sa solidité et sa bonne forme pour la présidentielle » selon plusieurs cardiologues français, unanimes. C’est un acte médical plutôt banal qui ne devrait rien changer à ce couche-tard qui est sur pieds dès 4h du matin. Si son retour devrait relancer la présidentielle du 31 octobre dont l’éventuel report est écarté par le président sortant, Amadou Gon Coulibaly est attendu à Abidjan dans les prochains jours.
Un retour qui relancera la dynamique électorale
Plusieurs hypothèses le voient même à la tête du gouvernement jusqu’à la présidentielle, ce qui ne sera pas inédit même si beaucoup de candidats ont dû abandonner leur poste au gouvernement pour se donner à fond à leur candidature. Aucune règle n’impose cela. Au Bénin, en 2016, Lionel Zinsou, encore Premier ministre de Yayi Boni est resté en poste jusqu’à la présidentielle. En France, la pratique est même récurrente. En 1988, Premier ministre dans une cohabitation avec François Mitterrand, Jacques Chirac est resté en poste jusqu’à être battu au second tour par le président sortant. Candidat en 1995, Edouard Balladur était aussi à la tête du gouvernement mais sera éliminé dès le premier tour. Idem pour le socialiste Lionel Jospin en 2002. Il ne franchira pas non plus le premier tour. On a tout de même vu Manuel Valls, en conflit permanent avec François Hollande, quitter son poste peu avant la présidentielle de 2017. Toutes les portes restent ouvertes même si, dans le cas de la Côte d’Ivoire, face au risque de secousse que pourraient alimenter les ambitions, nombreuses dans la majorité, qui ont fait partir le ministre des affaires étrangères récemment, le maintien en poste du Premier ministre ne dérangerait personne. Au pire, Gon Coulibaly peut céder son poste à un très proche, à quelques jours de la présidentielle mais rester en poste assure la cohésion gouvernementale ainsi que la lisibilité de l’action et la cohérence de la vision. Et cela n’aurait rien d’illégal. Mais le dernier mot revient à Alassane Ouattara qui entend rester chef de l’Etat jusqu’au dernier jour, afin d’éviter à son pays une rechute dans les vieux démons de l’instabilité.
En attendant le retour du Premier ministre et les éventualités, Amadou Gon Coulibaly devrait s’attendre à quelques coups bas. Ecarté de la présidentielle à cause d’une tentative d’atteinte à la sureté de l’Etat dont il est l’instigateur, Soro ne lâche rien pour faire mal. Entre immoralité et avidité du pouvoir, avec ce brin de revanche devenu la marque déposée de l’ancien chef rebelle.
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