Un mois après sa rencontre avec Alassane Ouattara, le chef de file de l’opposition met fin au mot d’ordre de désobéissance civile et réclame un dialogue national.
« Une main tendue », veut croire Henri Konan Bédié en prenant la parole ce mercredi 9 décembre. L’ex-président et chef de file de l’opposition ivoirienne a mis fin au régime de « transition » proclamé par l’opposition au lendemain de la réélection contestée du président Alassane Ouattara. En accord avec d’autres partis de l’opposition, HKB a proposé un « dialogue national » pour résoudre les tensions nées de la présidentielle. « Je propose dès maintenant et urgemment, en accord avec toute l’opposition, l’organisation d’un dialogue national. Ce nouveau cadre de dialogue, qui verra la participation de toutes les forces vives de la nation (…), remplace évidemment le CNT (conseil national de transition) que l’opposition ivoirienne avait initialement proposé », a écrit Henri Konan Bédié dans une déclaration transmise aux médias.
Deux jours après l’élection présidentielle du 31 octobre, dont les résultats n’étaient pas encore proclamés, l’opposition avait créé un conseil national de transition, qui devait former « un gouvernement de transition », censé remplacer le régime d’Alassane Ouattara. Il faut souligner que l’ex-président Bédié, qui avait été présenté comme « président » de ce CNT par le porte-parole de l’opposition, Pascal Affi N’Guessan, ne s’était jamais exprimé publiquement sur le sujet.
Le lendemain, le 3 novembre, après la proclamation de la réélection d’Alassane Ouattara pour un troisième mandat par la commission électorale, les forces de l’ordre avaient placé sous blocus les résidences des principaux leaders de l’opposition, dont celles de M. Bédié. Plusieurs responsables, dont Pascal Affi N’Guessan, ancien Premier ministre, et le bras droit de Bédié, Maurice Guikahué, avaient été arrêtés les jours suivants, et sont toujours écroués.
Le CNT est mort, mais les revendications demeurent
L’élection présidentielle s’était déroulée dans un climat de tension, l’opposition ayant appelé à la « désobéissance civile » et boycotté le scrutin. Au total, les violences électorales (politiques et intercommunautaires) ont fait au moins 85 morts et près de 500 blessés dans le pays d’août à novembre. Le climat s’était apaisé après une rencontre, le 11 novembre, entre le président Ouattara et Bédié. Entre-temps, ce dernier avait annoncé « suspendre le dialogue » le 20 novembre. Le parti au pouvoir avait alors répliqué en invitant l’opposition à « cesser de ruser avec la paix ».
Dans sa déclaration, Henri Konan Bédié souhaite désormais que le « dialogue national », qui devra être « encadré » par « des organisations internationales » telles que « l’ONU », aborde plusieurs « questions clés ». Il cite « l’élaboration d’une Constitution consensuelle », « la mise en œuvre d’un véritable processus de réconciliation qui prendra notamment en compte le retour des exilés et la libération des prisonniers politiques et militaires », mais aussi « l’organisation d’élections, notamment présidentielles, transparentes, crédibles et inclusives ».
Comme le reste de l’opposition, il continue à estimer qu’Alassane Ouattara, réélu pour un troisième mandat controversé sur le score fleuve de 94,27 % des voix au premier tour, « n’est pas légitimement le président de la République de Côte d’Ivoire ».
Quel avenir pour l’opposition ?
L’ex-chef de l’État (1993-1999) précise que « la lutte privilégiera désormais les marches et toutes les autres formes démocratiques de la résistance », annonçant d’ailleurs prochainement une « grande marche pour le dialogue et la paix ».
En attendant, Alassane Ouattara doit être investi lundi. Élu en 2010, réélu en 2015, il avait annoncé en mars qu’il renonçait à une nouvelle candidature, avant de changer d’avis en août, à la suite du décès de son dauphin désigné, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. La loi fondamentale ivoirienne prévoit un maximum de deux mandats, mais le Conseil constitutionnel a estimé qu’avec la nouvelle Constitution adoptée en 2016 le compteur des mandats présidentiels a été remis à zéro. Ce que l’opposition a toujours contesté. Les violences liées à la présidentielle de 2020 surviennent dix ans après la crise postélectorale de 2010-2011, née du refus du président Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite électorale face à Alassane Ouattara.
Survenant après une décennie de tensions qui avaient coupé le pays en deux, sur une ligne identitaire entre le Nord et le Sud, la crise avait fait 3 000 morts, ainsi que 300 000 réfugiés et un million de déplacés internes, selon l’ONU.
Afrika Stratégies France avec Le Point Afrique