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Revue d'intelligence et d'Analyse

COTE D’IVOIRE : KKB, le trublion qui secoue les cocotiers au Pdci-Rda

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Intrépide et insaisissable combattant, l’annonce de sa candidature a été mal perçue par le cercle restreint sur lequel règne Henri Konan Bédié mais Kouadio Konan Bertin (KKB) n‘en démord pas. A 52 ans, ce planteur de café cacao n’a pas supporté l’imposition, à 86 ans, de la candidature de l’ancien président qui a juré plusieurs fois ne « pas vouloir être candidat au-delà de 80 ans ». Il prend la revanche d’une jeunesse qui a subi pendant un demi-siècle le diktat des « aînés » et sachant que le combat sera rude, il s’est mis, tôt à la tâche. Rencontres de proximité, lobbying, recherche de financements et mise en place de stratégie, celui qui est arrivé 3e en 2015 jure que cette fois-ci « est la bonne ».

Il est discret mais fait le tour du pays. Bongouanou, Lakota, Bouaflé, il a entamé une grande tournée nationale qui sera interrompue par la disparition brutale de Amadou Gon Coulibaly. KKB a toujours eu beaucoup d’admiration et de proximité avec l’ex Premier ministre ivoirien. Par décence, il a arrêté ses visites de terrain pour faire un deuil dont il peine d’ailleurs à se remettre. Mais après l’annonce de sa candidature à la suite d’une procédure irrégulière qui l’a empêché de candidater pour la candidature face à Henri Konan Bédié au sein du Parti démocratique de Côte d‘Ivoire (Pdci), la porte du non-retour est franchie. Celui qui était arrivé en troisième position en 2015 ne peut plus qu’aller jusqu’au bout d’autant que malgré la culture de vote tribaliste,  il a toutes les chances d’un bon score. Compte tenu des divisions persistantes au sein du Front populaire ivoirien (Fpi), KKB pourrait, au pire, se maintenir à la même place avec un taux plus confortable, au mieux, créer une surprise en devançant Pascal Affi N’guessan, candidat annoncé de la branche légale du parti, qui ne devrait pas compter sur la popularité et le soutien de Laurent Gbagbo. L’ancien président, toujours maintenu dans les liens de la justice internationale à Bruxelles se rapproche de Bédié. La mobilisation de la jeunesse peut être le coup de chance pour KKB qui, sans parti politique proprement dit, vise à « ratisser le plus large possible ».

Incompris

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Pendant longtemps, KKB fut un très proche collaborateur de Henri Konan Bédié. Aujourd’hui encore, il regrette, la voix prise d’émotion, « les désaccords ». Lors d’une interview à Abidjan avec Afrika Stratégies France, il avait regretté « n’avoir pas été suffisamment compris » par celui qu’il appelait encore « papa » et qui fut d’ailleurs son témoin de mariage. A cette occasion, il avait juré vouloir soutenir son mentor, si ce dernier était candidat et « ne pas se présenter contre lui ». Mais le recours systématique à la manipulation des cadres du parti par Bédié, qui voyait KKB , malgré la posture de loyauté, en potentiel rival au sein du parti a fini par le pousser à bout. Car leur premier désaccord venait de ce que KKB était contre l’alliance entre son parti et le Rassemblement des républicains (Rdr) d’Alassane Ouattara. La suite lui donnera raison, la rupture, prononcée en fracas (entre Ouattara et Bédié)  en 2018 aura été brutale et surtout, fatale pour l’historique formation politique de Houphouêt-Boigny. Depuis, l’essentiel des cadres du parti sont restés avec le président ivoirien, faisant de Bédié « un chef qui n’a plus pour trône qu’un rocher » et pour royaume, « quelques notables » dans l’ombre hégémonique de l’écrasant monarque qui était allergique à toute élection interne.

Force

KKB a un côté naturel, une saine sympathie qu’il explique par son éducation « baoulé, de fils de planteur » mais aussi un pragmatisme très cartésien tiré de ses années d’études en Allemagne. Futé, prévoyant et surtout extrêmement malicieux, il aurait pu être le dauphin naturel du Sphinx de Daoukro dont il a été l’élève assidu, tirant même du long apprentissage cette capacité à voir loin qui les caractérise tous deux. Kouadio Konan Bertin est aussi un homme de liens et de réseaux, généreux et accessible, fidèle et sensible qui a su tisser une forte corde au sein de la diaspora ivoirienne. Il a aussi de l’influence au sein de la jeunesse de son pays notamment du sud et du centre du pays, région où la grande ethnie Akan (la sienne) est répartie. KKB peut surtout compter à la fois sur les frustrés du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) qui se sont mis à l’écart sans regimber, les déçus de l’intérieur qui n’ont pas osé franchir le pas d’un départ et surtout l’immense majorité des militants qui, hostile au camp Ouattara, préfère à Bédié une candidature plus jeune. Le trublion de Bocanda (Centre, région de N’zi) peut donc incarner d’une certaine manière le sang frais. Car Ouattara avait promis passer la main à une génération plus jeune mais devrait se maintenir en lice et Bédié ne voit pas plus jeune que lui-même, à 86 ans. Une situation qui peut pousser les jeunes ivoiriens (75% de la population), à prendre leur revanche à travers une nette percée de ce germaniste qui saura compter sur la région de Lôh-Djiboua d’où est originaire sa mère.

Monarque

Aujourd’hui, à 86 ans, l’ancien président ivoirien est un monarque seul. Il peut, aussi longtemps qu’il les tiendra par des susceptibilités culturo-machiavéliques et l’opposition à toute critique, compter sur le soutien des derniers courtisans. Mais aussi bien pour la grande partie des militants que pour l’image du Parti démocratique de Côte d’Ivoire, chef d’œuvre de Félix Houphouêt Boigny depuis 1946, Bédié est l’homme du passé qui s’ignore et qui s’obstine, aveuglé par la sénilité et la seule envie de revanche contre Ouattara,  il persiste à aller jusqu’au bout. Au risque d’éclater son parti. Mais pour la majorité des ivoiriens, l’heure d’une nouvelle génération a sonné.

Discret pour l’instant, multipliant des actions et rencontres de proximité, KKB a toutes les chances d’être une surprise de la prochaine présidentielle. Même si, face à la probable candidature du président sortant et celle de Bédié, il a peu de chance d’être au second tour. Mais la loi imposant à tout membre du conseil constitutionnel voulant être candidat de démissionner six mois avant la présidentielle, Bédié risque une mise à l’écart selon plusieurs sources dudit conseil. « L’espoir est permis, je gagnerai » répète-t-il, en cercle restreint. La campagne promet d’être truculente.

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