La Minusma quittera le Mali d’ici la fin de l’année. Elle a donc six mois pour plier bagage. Le Mali l’avait exigé, il y a deux semaines, et le Conseil de sécurité a adopté, vendredi 30 juin, une résolution actant cette décision. Dans la foulée de ce vote, un porte-parole de la Maison blanche, John Kirby, a accusé le Groupe Wagner d’avoir « travaillé directement » avec Bamako pour obtenir le départ de la Minusma, et cela, dans le but de « faire avancer les intérêts de Wagner. »
Les déclarations américaines sont une manière de décrédibiliser la décision malienne, en l’imputant au groupe russe Wagner, alors que Bamako prétend agir au nom de la « souveraineté nationale. » Si la Maison Blanche assure que le Mali a payé plus de 200 millions de dollars au groupe Wagner depuis fin 2021, elle ne donne aucun détail étayant l’influence qu’elle lui prête dans la décision de mettre un terme à la Minusma.
Influence ou concertation ?
Les autorités maliennes de transition ont, en revanche, elles-mêmes mis en scène leur coordination avec la Russie : le président de transition, le colonel Assimi Goïta, s’est réjoui sur les réseaux sociaux d’avoir eu une conversation « directe et sincère » avec Vladimir Poutine, deux jours avant la demande malienne de départ « sans délai » de la Minusma. Et vendredi 30 juin, après le vote du Conseil de sécurité actant la fin de la Minusma, c’est le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, qui a annoncé à nouveau, sur les réseaux sociaux, avoir eu un entretien avec son homologue russe, Sergueï Lavrov, au sujet notamment du départ de la Minusma, sans donner davantage de précisions sur le contenu de leurs échanges.
Un affichage politique qui revendique, pour le moins, une forme de concertation entre le Mali et son nouvel allié stratégique russe.
Wagner profitera du départ de la Minusma
Sans préjuger du rôle initiateur de Wagner dans la demande malienne de retrait de la Minusma, il est clair que le groupe paramilitaire russe profitera directement de ce départ. Les enquêtes sur les droits de l’homme de la mission onusienne accusaient régulièrement l’armée malienne et ses supplétifs russes d’exactions contre les civils. Ces enquêtes n’existeront plus. L’armée malienne et le groupe Wagner pourront également investir les bases onusiennes, comme elles avaient récupéré celles de la force française Barkhane.
Le Mali compte-t-il renforcer la présence de Wagner dans le Nord ? Ce point fait-il déjà l’objet d’une stratégie ? Le départ des Casques bleus va créer un vide sécuritaire qui pourrait profiter aux groupes jihadistes et qu’il s’agira de compenser. Bamako n’a pas encore dévoilé ses plans en ce sens.
Accord de paix
Quant aux groupes armés du Nord, signataires de l’accord de paix de 2015, ils s’inquiètent, de leur côté, des intentions des colonels au pouvoir. Concrètement et sans l’exprimer aussi clairement de manière publique, ils redoutent que l’armée malienne ne s’appuie sur le groupe Wagner pour relancer les hostilités, d’autant plus facilement qu’ils ne seraient plus gênés par la présence des Casques bleus.
Les groupes armés signataires craignent que la fin de la Minusma ne soit ainsi le prélude à la fin de l’accord de paix. Devant le Conseil de sécurité, vendredi, le chef de la diplomatie malienne a réitéré l’engagement du Mali à mettre en œuvre cet accord.
Afrika Stratégies France avec RFI