En République centrafricaine, la garde présidentielle ouvre le feu sur un convoi de casques bleus
Dix militaires égyptiens appartenant à la mission des Nations unies dans le pays ont été blessés, lundi, par des tirs devant la résidence du président centrafricain, à Bangui. L’ONU condamne « une attaque délibérée et inqualifiable ».
Dix casques bleus égyptiens non armés de la Mission des Nations unies en Centrafrique (Minusca) ont été blessés, lundi 1er novembre, par la garde présidentielle, qui a ouvert le feu sur leur bus à Bangui, a déploré mardi l’Organisation des Nations unies (ONU), qui condamne « une attaque délibérée et inqualifiable ».
Les services du président, Faustin-Archange Touadéra, ont en retour accusé les militaires égyptiens d’avoir pris des photos de la résidence du chef de l’Etat – ce qui est interdit – et d’avoir refusé d’arrêter leur véhicule. Une fille de 12 ans a été heurtée par le minibus et tuée « dans leur fuite », selon la présidence.
« Les éléments de l’unité de police constituée égyptienne », qui circulaient dans un bus, « ont essuyé des tirs nourris de la garde présidentielle sans sommation préalable ni riposte aucune, alors qu’ils n’étaient pas armés », a assuré l’ONU dans un communiqué. Deux d’entre eux ont été grièvement blessés.
12 000 soldats de la paix dans le pays
Classée deuxième pays le moins développé au monde par l’ONU, la République centrafricaine a été plongée dans une guerre civile sanglante après un coup d’Etat, en 2013. Ce conflit perdure mais a considérablement baissé d’intensité depuis trois ans, même si des pans entiers de territoires continuent d’échapper au pouvoir central.
La Minusca, déployée dès 2014 et dont le mandat vient à échéance le 15 novembre, compte près de 12 000 militaires et représente une des opérations de maintien de la paix les plus coûteuses de l’ONU, avec un budget annuel dépassant le milliard de dollars.
Les Egyptiens étaient arrivés à l’aéroport de Bangui dans le cadre de la rotation périodique des troupes. Ils se dirigeaient vers leur base dans des bus clairement identifiés « avec les initiales UN », selon Vladimir Monteiro, porte-parole de la Minusca.
Trois des quatre bus de ce contingent sont entrés dans la base égyptienne à 500 mètres de la résidence de M. Touadéra, a assuré à l’Agence France-Presse (AFP) Albert Yaloké Mokpeme, porte-parole de la présidence. « Mais le quatrième continue pour remonter jusqu’au niveau de la résidence du chef de l’Etat », selon lui. La garde présidentielle leur « fait signe de faire demi-tour », ce qu’ils font, mais l’un des passagers « sort son appareil photo et fait des photos de la résidence du chef de l’Etat, ce qui est formellement interdit », a ajouté le porte-parole.
Des « incidents hostiles » répétés
« Après le refus d’obtempérer, la garde a fait des tirs de sommation et il se trouve que ces tirs ont fait des blessés », a poursuivi M. Mokpeme, accusant le chauffeur du véhicule d’avoir « mortellement heurté une jeune fille de 12 ans (…) dans leur fuite ». En quittant la zone après les tirs le bus « a heurté une femme qui a perdu la vie », a annoncé de son côté la Minusca.
« Le communiqué [de la Minusca] parle finalement d’une “attaque” de la garde présidentielle, de “tirs sans sommation”, (…) je suis désagréablement surpris. A quoi joue la Minusca ? », s’est insurgé M. Mokpeme.
A la mi-octobre, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait dénoncé « des incidents hostiles » ciblant des casques bleus, et impliquant « des forces de défense et de sécurité déployées bilatéralement », qui se poursuivaient à « un niveau inacceptable ». M. Guterres avait réclamé à Bangui « des mesures concrètes » pour mettre un terme à ces actes « susceptibles de constituer des crimes de guerre ».
Sept attaques visant des membres de la Minusca et 18 cas de harcèlement routier par les forces de sécurité nationale ont notamment été enregistrés par l’ONU entre le 1er juin et le 1er octobre.
M. Touadéra a décrété le 15 octobre un « cessez-le-feu unilatéral » de son armée et de ses alliés – paramilitaires russes notamment – dans leur guerre contre les rebelles pour favoriser l’ouverture prochaine d’un dialogue national.
En décembre 2020, une partie des groupes armés qui occupaient alors plus des deux tiers du pays avaient lancé une offensive pour empêcher la réélection de M. Touadéra. Celui-ci avait sollicité Moscou et Kigali, qui avaient dépêché des centaines de paramilitaires russes et de soldats rwandais à la rescousse d’une armée centrafricaine démunie.
Grâce essentiellement au soutien des Russes et des Rwandais, elle a, depuis, reconquis toutes les grandes villes et repoussé les rebelles dans les forêts. Mais ces derniers multiplient les attaques furtives ces dernières semaines, loin de la capitale, Bangui.
Afrika Stratégies France avec Le Monde Afrique