PORTRAIT – Élue présidente jeudi, la diplomate et ancienne ambassadrice en France Sahle-Work Zewde, 68 ans, a pris aussitôt ses fonctions essentiellement honorifiques.
Pour la première fois, une femme a été portée à la présidence de l’Éthiopie. Jeudi matin, le parlement a désigné Sahle-Work Zewde comme chef de l’État à l’unanimité. Cette élection sans mal suit la démission surprise la veille de son prédécesseur. Si le poste est essentiellement honorifique, le premier ministre ayant tous les pouvoirs, le symbole est puissant. «Dans une société patriarcale comme la nôtre, la désignation d’une femme en tant que chef de l’État n’est pas seulement un signe pour le futur mais banalise le rôle des femmes comme dirigeantes dans la vie publique», a d’ailleurs affirmé sur Twitter Fitsum Arega, le directeur de cabinet du premier ministre, Abiy Ahmed. L’intention est d’autant plus évidente qu’elle arrive peu après un remaniement ministériel où près de la moitié des portefeuilles a été confiée à des femmes. L’ancienne présidente du parlement, Muferiat Kamil est ainsi ministre de la Paix, un poste qui chapeaute les puissants services de renseignements intérieurs et les forces de l’ordre. Une autre femme a pris la tête de la Défense.
Une diplomate aux manières policées
Les Éthiopiens ne s’étonneront sans doute pas de ce choix alors que le pays est entraîné dans un tourbillon de réformes depuis l’arrivée au pouvoir au printemps du jeune premier ministre. En quelques mois, Abiy Ahmed a largement libéralisé ce régime autoritaire, élargissant des détenus politiques, libérant les médias et Internet, ouvrant des pans entiers d’une économie très contrôlée. Il a aussi engagé des démarches de paix avec le frère ennemi Érythréen et réduit le schisme au sein de l’église orthodoxe. La nouvelle cheffe de l’État ne devrait pas freiner les ambitions de Abiy Ahmed. Sahle-Work Zewde, 68 ans, est une diplomate aux manières policées. Elle effectuait jusqu’à présent une carrière à l’ONU où elle était jusqu’à présent secrétaire générale adjointe chargée des relations avec l’Union Africaine. Elle avait été auparavant ambassadrice, notamment à Djibouti puis en France. Sahle-Work Zewde, qui a fait ses études à Montpellier, passe pour une francophile. «Si les changements réalisés actuellement en Éthiopie sont menés à la fois par des hommes et des femmes, leur élan aboutira à une Éthiopie libre de toute discrimination religieuse, ethnique ou basée sur le genre», a-t-elle expliqué dans son premier discours.
Les raisons qui ont poussé Mulatu Teshome, son prédécesseur, à quitter sa fonction sont pour l’instant mystérieuses. Selon des experts, elles seraient liées à son origine – il est Oromo comme le premier ministre – et aux équilibres dans le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), la coalition au pouvoir.
Tanguy Berthemet, Le Figaro
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