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Revue d'intelligence et d'Analyse

FRANCE/UNIVERSITÉS : Frais de scolarité majorés, impacts et changements pour l’Afrique

Annoncée en novembre 2018 et rendue effective par deux publications au Journal officiel le 21 avril dernier, la décision d’augmentation des frais de scolarité pour étudiants non européens est actée dès la rentrée.  Plusieurs universités de France l’ont récusée pendant qu’en Afrique, silence radio des gouvernants, la société civile et les leaders d’opinion étonne. Mais cette disposition devrait détourner les étudiants africains vers d’autres destinations, notamment en Amérique du nord mais aussi en Afrique du Sud, au Maroc et en Tunisie.

21 avril. Quelques mois après l’annonce, la décision d’augmenter sinon de multiplier par dix si ce n’est par quinze les frais de scolarité dans les universités françaises pour des étudiants non européens a été actée. Deux publications au Journal officiel, en ce dimanche, la rendent effective. Une décision qui sanctionne l’Afrique (46% des étudiants étrangers) plus que n’importe quelle autre région du monde. Pour comparaison, seuls 25 % viennent d’Europe, 16 % d’Océanie contre 9 % du continent américain et à peine 4 % du Moyen-Orient. Pourtant, les dirigeants africains se sont mus dans un assourdissant silence alors que la Tunisie, 12.842 étudiants et 3e en Afrique derrière le Maroc (39.855) et l’Algérie (30521)  a osé lever la voix et négocier et a bénéficié d’un moratoire pour ses ressortissants. Perdus face à l’inaction de leurs dirigeants, les futurs étudiants africains sont partagés entre forcer les portes de la France ou se retourner vers l’Amérique du nord. Entre les deux, l’Ile Maurice, l’Afrique du Sud, le Maroc et la Tunisie peuvent être un recours avec des universités plus ou moins enviables.

« Bienvenue en France !», une hospitalité discriminatoire

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« Bienvenue en France », tel est le projet quelque peu discriminatoire que la France compte mettre en œuvre à partir de septembre 2019, pour rendre les universités françaises plus « attractives ». Cela implique une hausse exponentielle des frais d’inscriptions pour les étudiants extracommunautaires. Une décision qui vise prioritairement les 150.000 étudiants africains qui viennent chaque année en France, soit 46% du nombre global. A l’annonce de cette décision du gouvernement français, plusieurs centaines d’étudiants et universitaires ont manifesté leur désaccord sur un tel projet qui catégorise les étudiants et annule un traitement équitable entre des étudiants venus horizons divers. Ainsi les universités de Clermont-Auvergne, Aix-Marseille, Toulouse Jean-Jaurès, Lyon-II, Paris-Nanterre et de Rennes ont décidé de ne pas appliquer l’augmentation des frais d’inscriptions pour les étudiants non issus de l’Union européenne. Plus d’une quinzaine d’universités à travers toute la France sont montées au créneau pour s’opposer à cette hausse annoncée par le gouvernement. Mais depuis que la décision est passée au Journal officiel, la marge des universités n’est plus que de 10% liés aux bourses, ce qui reste faible si on sait que 70% des étudiants qui viennent en France optent pour l’université contre 30% pour les écoles privées. Si l’objectif est d’atteindre la barre de 500 mille étudiants à l’horizon 2027 comme le prétend le Premier Ministre Edouard Philippe, le projet « Bienvenue en France » cache derrière le masque une hospitalité discriminatoire du gouvernement français qui fait passer le coût d’une inscription en licence de 180 euros à 2770 euros par an. Les étudiants en master verront leurs frais d’inscriptions passés de 243 euros à 3770 euros. Ces mesures ne concernent pas les étudiants doctorants non communautaires.

Les étudiants africains se tourneront-ils vers des universités sur le contient

Suite à la vague de contestation et d’opposition après l’annonce du gouvernement français qui veut procéder à une augmentation exponentielle des frais d’inscription pour les étudiants étrangers à l’Union européenne, l’Etat français n’a pas fléchi sur sa position. Au contraire, il a rappelé aux présidents d’université, leur devoir de se soumettre à la République. Cela augure une application des mesures prévues, en septembre prochain. Selon la maire de Paris Anne Hidalgo, Paris accueille quelques uns des meilleurs établissements au monde avec un coût de scolarité qui offre à tous la possibilité d’accéder à des études supérieures. Par ailleurs, elle a rappelé que l’augmentation annoncée lui semble de nature à dissuader, à l’avenir, de nombreux talents d’entamer des démarches d’accès aux études en France”.

Face à cette nouvelle situation, on s’interroge sur le sort de ces milliers d’étudiants africains pour qui les nouveaux tarifs représentent parfois 5 années de salaires minimums. Quelles universités africaines pour ces étudiants ? Même si elle parait saugrenue, la question ne manque pas de pertinence dans le contexte qui prévaut. Rares sont les pays d’Afrique qui disposent de grandes universités dont la qualité de l’enseignement égalerait celles de la France. Déjà, en interne, les études universitaires sont devenues difficiles avec une série répétée de grèves provoquées par des problèmes de restauration, de bourses, d’effectifs pléthoriques dans les amphithéâtres. Pendant longtemps, la France aura été le recours aussi bien pour ses ex-colonies que pour beaucoup d’autres pays (Nigeria, Ghana, Kenya et même Afrique du Sud). Hélas, la France veut rompre les liens de la Francophonie des universités avec l’Afrique. Au demeurant, les pays moins nantis pourraient orienter leurs étudiants vers certaines universités de qualités dans des pays comme l’Afrique du Sud, l’Ile Maurice, le Maroc ou la Tunisie. Quant à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar qui avait la vocation d’accueillir des étudiants venus des quatre coins du continent, elle est débordée avec plus de 80 mille étudiants soit près du double sa capacité réelle. Ce qui à fermer ses portes à de nombreux nouveaux bacheliers. L’Etat du Sénégal est obligé de les orienter vers des universités et instituts privés. C’est au total la somme de 16 milliards de francs Cfa que l’Etat a du débourser pour payer une dette contractée depuis 2013, auprès des universités privées qui ont accueilli ces étudiants. Conséquences, le ministre de l’enseignement supérieur Mary Tew Niane n’a pu conserver son portefeuille ministériel dans le nouveau gouvernement du 06 avril 2019. Un désaveu pour sa politique de réorientation qui, en prenant fin, privera des potentiels futurs étudiants de cet prestigieux établissement dakarois.

Silence coupable des décideurs

Si plusieurs voix se sont levées en France pour dénoncer la décision du gouvernement, l’Afrique ne s’est pas encore fait entendre. Même pas le moindre communiqué émanant de ces Chef d’Etats et de gouvernements africains qui contribuent à la valorisation de la langue française au sein de la Francophonie. L’unique pays qui a osé s’opposer et négocie, la Tunisie, a obtenu un moratoire pour ses ressortissants. Celui qui ne dit rien consentant, le silence de tous les dirigeants et intellectuels ou leaders d’opinions africains de la société civile est plus que coupable. En son temps, l’ancien président Nicolas Sarkozy ne fut pas épargné pour avoir proposé l’immigration choisie. Aujourd’hui, le président de la République française Emanuel Macron et son gouvernement propose une autre forme, le choix des étudiants nantis. Mais personne ne bronche. Si la France reste privilégiée dans l’attribution des marchés de matières premières, elle ne veut, sous aucune forme, en payer le prix. Si des étudiants africains se tourneront pour certains vers des écoles de qualité sur le continent, beaucoup s’arrangeront pour atterrir à Paris avant de se lancer dans la débrouillardise. Ils finiront au dos de la sécurité sociale française.

Avec l’entrée en vigueur de cette augmentation des frais d’inscription dans les universités françaises, ce sont tout de même plusieurs milliers d’étudiants africains qui verraient leur rêve chaviré. Nos gouvernants doivent, à l’occasion, poser le problème et trouver, avec Paris, une issue autre que cette exclusion sans scrupule.  Sans quoi, c’est un coup dur pour la relève, d’autant que les écoles privées et universités publiques en Afrique peinent à tenir le défi qui est le leur. Quel désastre pour l’avenir ?

Almani CAMARA, Dakar, Afrika Stratégies France

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