Le juge Imed Boukhris, président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC), a été démis lundi dernier de ses fonctions suite à une décision du chef du gouvernement, Hichem Mechichi. Le limogeage serait passé inaperçu si le concerné n’avait pas été reçu, dans la foulée, par le président de la République, Kaïs Saïed. Les propos de Kaïs Saïed indiquent que ce limogeage fait partie de la lutte entre les têtes du pouvoir en Tunisie.
Il y aurait même un prétendant à un ministère qui traîne une affaire devant le pôle financier, toujours selon le président Saïed, qui a accusé le gouvernement de «lutter contre ceux qui luttent contre la corruption».
Pour sa part, le juge Imed Boukhris a déclaré dans une interview publiée hier sur la quotidien Al Maghreb qu’il «refuse d’être un faux témoin d’un dispositif corrompu». L’ex-président de l’INLUCC a justifié son silence par «le devoir de réserve et en raison de la situation sanitaire difficile traversée par le pays».
Il a mis l’accent sur le fait que «le chef du gouvernement n’a pas osé faire paraître le décret gouvernemental portant sur l’obligation de rendre accessibles au public, comme le souligne la loi, les déclarations de patrimoines et des intérêts concernant huit catégories de personnes, à l’instar des trois présidents, des ministres, députés et hauts cadres de l’Etat». Le juge Imed Boukhris a insisté sur le fait que «Mechichi a refusé de faire publier ledit décret malgré plusieurs correspondances envoyées par l’INLUCC», en assurant que «le chef du gouvernement promet, à chaque fois, de le faire mais ne le fait pas, de peur de l’impact de ces publications sur sa ceinture politique».
Enjeux
Des indiscrétions assurent que le chef du gouvernement Hichem Mechichi en veut au juge Imed Boukhris depuis le refus de ce dernier d’accepter les déclarations du patrimoine des membres du gouvernement avant leur prestation de serment devant le président de la République. Mechichi a, depuis, considéré qu’il ne pouvait pas compter sur l’INLUCC de son côté dans sa lutte contre le président Saïed.
Le dossier du juge s’est corsé, lorsque ce dernier a transmis au parquet des dossiers de personnalités bénéficiant de la protection de la sphère d’Ennahdha et de conseillers à la présidence du gouvernement, faisant de lui, «la personnalité à écarter». Dans la lutte actuelle entre les hautes sphères du pouvoir en Tunisie, la devise en hausse est : «Si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi.» Et on constate, malheureusement, cet alignement dans les médias, qui ne diffusent que les informations qui leur «plaisent».
La Tunisie est en pleine crise socioéconomique. Elle ne parvient pas à trouver les Fonds nécessaires (7 milliards de dollars) pour boucler son Budget 2021. Les déplacements de Mechichi et de son ministre des Finances, Ali Koôli, n’ont pas fait bouger les bailleurs de fonds qui exigent des engagements concertés du gouvernement et des organisations syndicales, ce que ces derniers rejettent, notamment l’UGTT, qui refuse la levée des subventions des produits de base sans une compensation conséquente.
L’alerte est déjà donnée. Néanmoins, les hautes sphères du pouvoir continuent à jouer les influenceurs pour les intérêts de leurs soutiens, au détriment des intérêts du pays. «Le cas du limogeage du président de l’INLUCC n’est qu’un petit exemple», selon le président de la commission des finances de l’Assemblée, Haykel Mekki.
Afrika Stratégies France avec El watan