La junte au pouvoir au Mali a défié jeudi 21 avril ses partenaires régionaux en annonçant le lancement d’un « processus » de transition de « deux ans », alors que ceux-ci demandent à Bamako d’organiser des élections en seize mois maximum.
« A partir de cet instant, nous engageons le processus de mise en œuvre de tout le plan de la transition pour les deux ans qui ont été retenus par le président de la transition », le colonel Assimi Goïta, à la tête du pays depuis mai 2001, a déclaré Choguel Maïga, le premier ministre installé par les militaires.
Pour autant, a-t-il assuré, « les discussions ne sont pas rompues » avec la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui presse la junte de rendre rapidement le pouvoir aux civils.
Mais « la preuve est faite par A + B qu’on ne peut pas aller en deçà de vingt-quatre mois », et « on ne peut pas accepter (…) de précipiter les élections, de les bâcler pour avoir la conscience tranquille », a ajouté M. Maïga devant le Conseil national de la transition (CNT), instance faisant office d’organe législatif et dont les membres ont été nommés par le pouvoir.
« Le fait du prince »
Plongé depuis 2012 dans une crise sécuritaire profonde que le déploiement de forces étrangères n’a pas permis de régler, le Mali a connu deux coups d’Etat militaire depuis août 2020. Comme la Guinée et le Burkina Faso, où des militaires ont pris le pouvoir respectivement en septembre 2021 et janvier 2022, le pays est mis sous pression par la Cedeao.
L’organisation régionale a suspendu les trois pays de ses instances et impose de lourdes sanctions économiques au Mali, un « embargo » qui viole « ses propres textes », selon M. Maïga, qui a dénoncé « le fait du prince ».
En mars, la Cedeao demandait l’organisation d’élections dans un délai de douze à seize mois au Mali. Une visite à Bamako de son médiateur pour la crise malienne, l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan, n’était pas parvenue alors à ramener le délai de la transition voulu par les militaires sous la barre des deux ans.
Sur l’avenir des discussions avec la Cedeao, M. Maïga a mentionné sans plus de détails la venue de « missions » à Bamako « dans les jours prochains pour aboutir, nous l’espérons, à un accord ».
« Notre souveraineté, notre indépendance »
Les militaires au pouvoir se sont rapprochés de Moscou en même temps qu’ils se détournaient de la France, engagée militairement dans le pays contre les djihadistes depuis 2013. Le Mali a ainsi fait appel massivement à ce qu’il présente comme des « instructeurs » venus de Russie, alors que les Occidentaux (Paris et Washington notamment) dénoncent la présence dans le pays de « mercenaires » du groupe privé russe Wagner, ce que démentent fermement les colonels maliens.
Sur fond de crise diplomatique avec la junte, Paris a annoncé en février le retrait de ses soldats déployés au Mali, opération devant être achevée cet été.
Dans un climat de tensions croissantes entre Bamako et l’ONU, qui demande en vain de pouvoir enquêter dans des zones où des éléments de l’armée malienne ont été accusés ou soupçonnés d’avoir mené des exactions contre des civils, la présence des Russes alimente des interrogations sur l’avenir de la mission des Nations unies au Mali (Minusma), dont le mandat est censé être renouvelé en juin.
Mais « ce n’est pas l’intérêt du Mali aujourd’hui de dire que nous rompons avec la Minusma. Le mandat sera renouvelé », a déclaré M. Choïga aux membres du CNT. « Mais il faut qu’on se mette dans la tête que notre souveraineté, notre indépendance, notre défense, notre sécurité, c’est notre armée seule appuyée par moments par nos partenaires qui peut l’assurer », a-t-il ajouté, jugeant que celle-ci s’acquitte « de façon extraordinaire de sa mission ». Le conflit en cours au Mali a fait des milliers de morts, civils et combattants, depuis 2012.
Afrika Stratégies France avec Le Monde Afrique