En moins de deux ans, trois régimes élus ont été renversés en Afrique occidentale francophone. À Bamako, à Conakry ou à Ouagadougou, ce sont des colonels qui ont pris les commandes de ces coups d’État pour renverser des francophiles proches de Macron. « Un échec de la politique africaine de l’Élysée » tancent les détracteurs de la Françafrique.
Août 2020 au Mali, alors qu’il avait été réélu deux ans plus tôt, Ibrahim Boubacar Kéïta a été renversé par des militaires qui, depuis, s’accrochent au pouvoir. Six mois plus tard, Assimi Goïta met fin aux fonctions du président et du Premier ministre. « Un coup d’État dans le coup d’État » dénonce, pris de court, Emmanuel Macron. Septembre 2021, idem pour la Guinée : Alpha Condé a été renversé sans effusions de sang par un ancien légionnaire « français », le colonel Mamady Doumbouya. Janvier 2022, Rock Christian Kaboré a été renversé à Ouagadougou (Burkina Faso), par là encore un autre colonel, Paul-Henri Sandaogo Damiba.
Depuis, la Guinée-Bissau a essuyé deux tentatives de putschs qui ont fait de nombreux morts, et au sein du pré-carré français, la peur d’un renversement militaire taraude les palais présidentiels. Niamey, Abidjan, Lomé ou Cotonou : la crainte est visible et les chefs d’État multiplient, dans le cadre de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), des sommets de sanctions et de contre-sanctions qui ennuient les populations. Au coeur de l’anxiété engendrée par cette situation, la responsabilité de Paris et l’échec de la politique africaine de la France.
Soutien obsessionnel à la CEDEAO
Dès le sommet de la CEDEAO, Paris s’est empressé de se positionner. Emmanuel Macron et son controversé ministre des Affaires étrangères ont apporté publiquement leur soutien aux sanctions décidées par l’organisation régionale. Jean-Yves Le Drian a même brandi la qualité de membre de la France alors qu’il ne s’agit que d’un statut d’observateur en tant que partenaire. Très vite, la diplomatie française a multiplié des concertations pour pousser l’Union européenne à des sanctions ciblées contre le Mali, elle y parviendra fin janvier alors qu’entre temps, l’ambassadeur de France à Bamako a été chassé par la junte.
Ces soutiens de l’Élysée ont tôt fait d’agacer les opinions nationales africaines, renforçant de facto le sentiment antifrançais et surtout, créant un bouclier de contexte autour des autorités militaires. Si elles n’ont aucune légalité, la mobilisation des panafricanistes et autres cyberactivistes africains à leurs côtés leur ont conféré une légitimité, certes fragile. Depuis, Bamako est devenu la ville de pèlerinage des antifrançais. Franklin Nyamsi, chef de file des pourfendeurs de la France, en revient, après y avoir enchaîné des directs contre Paris sur Facebook. L’empressement de Macron et de son ministre donne l’impression « d’une vengeance personnelle contre Assimi Goïta » a martelé le sulfureux professeur de philosophie qui a, dans la foulée, publié plusieurs photos où il est apparu décontracté aux côtés du chef de la junte malienne.
De Bamako à N’Djaména : deux poids, deux mesures
L’acharnement de Macron, qui a provoqué l’humiliation de la France par l’expulsion de son ambassadeur alors que l’hexagone y a perdu 53 soldats, contraste avec son soutien à Mahamat Déby au Tchad. À la mort du dictateur maréchal, le président français était l’unique dirigeant occidental à se rendre aux funérailles d’Idriss Déby et surtout, à approuver que son fils lui succède. Cet acte sert d’argument principal pour tous les discours complotistes dont certains accusent, sans preuve, l’armée française d’avoir déporté des milliers de kilogrammes d’or malien vers Paris.
La diplomatie française ne peut pas être audible avec une politique de deux poids, deux mesures. Elle ne peut pas être comprise si elle soutient des dictateurs tout en s’offusquant des coups d’État, déniant ainsi aux peuples africains le droit de jouir de la démocratie. Pourtant, sous François Hollande, Paris s’est en grande partie engagé aux côtés des peuples, durcissant le ton contre des pouvoirs autoritaires au Togo, en Guinée ou encore en République démocratique du Congo. En accueillant en juillet dernier le fils hérité de Déby à l’Élysée, le président François est apparu comme « méprisant et insultant à l’égard des peuples africains » selon la très populaire panafricaniste Nathalie Yamb.
Cuisant échec pour Macron
La politique africaine de Macron est peu convaincante. Elle est menée par un vieux routier, Le Drian, usé par l’âge et surtout empêtré dans des ramifications de la françafrique. Il a privilégié ses amitiés sur le continent au détriment d’une politique africaine transparente. L’échec est aussi dû à la méconnaissance du continent par Macron. Le président jupitérien de la France a cru, à tort, qu’un stage de jeunesse à Abuja aura suffi à maîtriser les subtilités d’un continent de cinquante-quatre États très différents. Il a surtout échoué en se livrant à ce que le Quai d’Orsay taxe de « realpolitik » et qui est souvent en contradiction des discours les plus immémorables de Macron sur l’Afrique, notamment celui d’Ouagadougou fin novembre 2017. À force d’accumuler des contradictions, d’écouter son impatience plus que les peuples africains, Emmanuel Macron aura mené une politique d’enlisement et de tâtonnement.
Alors qu’il devrait être candidat à sa propre succession en avril prochain, le président a réussi à exacerber le sentiment antifrançais mais surtout, à mobiliser opposition, opinions et sociétés civiles contre lui. Après avoir sacrifié son argent, 2 millions d’euros par jour, au Mali pendant une décennie et perdu plus d’une demie centaine de militaire, la France s’en tire plus discréditée que jamais. Macronisme oblige !
MAX-SAVI Carmel, Source: www.lincorrect.org