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TOGO/BENIN : Des accusations de « complot » de Patrice Talon, le vrai de l’ivraie

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Le président béninois a profité d’une interview avec une radio et une télévision françaises pour ouvrir la polémique sur l’implication présumée de Faure Gnassingbé dans la déstabilisation du Bénin. Il insinue que son homologue togolais soutient les violentes manifestations qui ont émaillé sa réélection et y voit un complot pour le renverser. S’il y a quelques ramifications suspectes entre l’opposition béninoise et le pouvoir de Lomé, Patrice Talon use de l’exagération pour créer une sympathie patriotique qui peine à prendre.

86% ! Les résultats ne manqueraient pas de provoquer un pouf de rires, même chez les proches du président sortant. Ce score soviétique sonne le requiem de la démocratie béninoise et restera dans l’histoire de ce petit pays de 12 millions d’âmes comme  le plus élevé jamais obtenu lors d’une présidentielle. L’opposition l’a qualifié, à raison de « ridicule » et Washington a exprimé ses vives inquiétudes dans un communiqué officiel. Peu après, pour sa première sortie médiatique, Patrice Talon a choisi France24 et Radio France Internationale (Rfi) pour, depuis le palais de la Marina, alors qu’il multiplie des arrestations d’opposants, s’en prendre ouvertement au Togo. Il accuse son voisin, sans le citer nommément, d’être derrière un plan de déstabilisation et d’avoir mis beaucoup d’argent au service des manifestants et autres chasseurs, milice armée du centre du pays. Dans la foulée, le gouvernement annonce l’arrestation, au hasard d’un accident de circulation, d’un certain Kankalala Aziz. Ce supposé togolais d’origine transporterait, selon le communiqué du gouvernement béninois, 70.000 munitions de calibre 12. Une partie du renfort venu du Togo selon l’insinuation du gouvernement béninois. Si le soutien du régime togolais à une partie de l’opposition béninoise ne fait pas de doute, l’ampleur et les objectifs de Faure Gnasingbé sont bien loin de ce que fait croire Talon. L’autocrate béninois tente de se victimiser et de créer une sympathie patriotique mais peine à atteindre son objectif. Car avec sa méthode dure, les répressions mortelles dont il est l’acteur principal, la soumission des institutions et la guerre aux opposants, celui qui avait juré ne vouloir faire qu’un seul mandat de cinq ans ne convainc plus.  Mais derrière ces accusations, l’ombre de dame Madougou…

Reckya Madougou, la pomme de discorde

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Ancienne ministre de la justice, Madougou s’est vite convertie dans les microfinances et a trouvé, peu après sa sortie du gouvernement béninois en 2013, « refuge » à Lomé où elle conseille le président togolais. Rapidement, cette femme ambitieuse et « pouvoiriste » a pris de l’influence au Togo d’où elle a développé son réseau à l’international. Avec pour objectif, le fauteuil présidentiel. Avec « L’initiative de Nikki », du nom d’un ancien emblématique royaume du nord-Bénin, vite dispersée par le gouvernement béninois puis depuis, la cooptation financière des opposants en exil, l’ex ministre avait sa stratégie. Plusieurs fois, Talon s’est agacé de ce que Faure Gnassingbé ne freine pas les élans de sa conseillère technique et spéciale qui d’ailleurs, à Lomé, a rang de ministre. Cette femme très proche du président togolais résidait d’ailleurs à deux pas de la résidence présidentielle, dans une villa cossue que Gnassingbé a mis à sa disposition. Ce qui permet au président et à sa collaboratrice de se voir à tout moment de jour comme de nuit. Les autorités béninoises ne croient pas un seul instant qu’elle ait pu annoncer sa candidature sans le soutien de Lomé. Et même si elle avait peu de chance de remporter face au président sortant, Patrice Talon a opté pour la méthode dure. Après que la candidature de Reckya Madougou ait été rejetée, elle sera arrêtée quelques jours plus tard, en marge d’un meeting à Porto-Novo, région d’origine de la première dame, Claudine Talon. Et comme Talon sait mieux que quiconque que la revanche est un plat qui se mange froid, il l’a servi glacé à celle dont il voulait la tête depuis mathusalem. Ajoutant à cette revanche plate les rancœurs qu’il nourrissait à l’égard de son voisin, Faure Gnassingbé.

Tenace rancune

Les deux chefs d’Etat entretiennent, depuis toujours, des relations mitigées. Alors qu’il est arrivé au pouvoir en gentleman plus que démocrate, Talon n’a jamais caché son aversion, presque moqueuse pour Faure Gnassingbé. Le président du Bénin s’est toujours agacé du long règne de la dynastie Gnassingbé qui tient le Togo d’une main de fer et totalise presque 55 ans à la tête du pays. En août 2017, le Togo a connu une vague de violentes manifestations menées par l’énigmatique opposant Tikpi Atchadam, qui ont failli faire perdre le pouvoir à Faure Gnasingbé. Dans la foulée, en octobre de la même année, le président béninois venu pour encourager son jeune frère « à trouver une porte de sortie honorable » n’a pas daigné quitter l’aéroport de Lomé. Malgré les insistances de Faure Gnassingbé, Patrice Talon est reparti sans accepter l’invitation à une collation à Lomé II, résidence officielle du président togolais. Une absence de compassion que le togolais assimile à l’ingratitude d’autant qu’il a contribué au retour de Talon au Bénin alors que ce dernier était en exil en France. L’année suivante, lors d’une réunion de la Communauté électrique du Bénin (Ceb), organisation commune aux deux pays, Talon n’a point supporté la présence de Reckya Madougou que Cotonou soupçonnait déjà être derrière « l’initiative de Nikki » qui a mobilisé de jeunes opposants autour de Sabi Korogoné. Ce dernier, très proche de Madougou, fera un peu plus de 8 mois de prison avant d’être libéré en juin 2019. Entre temps, la Ceb a été liquidée, sur l’insistance du Bénin, abolissant ainsi l’unique structure que partageait les deux voisins. Les deux événements ont refroidi les relations entre les deux chefs d’Etat d’autant que le Togo ne manque l’occasion de soutenir Yayi Boni, ancien chef d’Etat devenu principal opposant au régime béninois. Entre Talon et Gnassingbé, la rancune se durcit, chaque jour, un peu plus.

Les autorités togolaises rasent les murs

Les attaques et accusations contre le Togo ont fait l’essentiel du débat électoral depuis plus d’un mois au Bénin. Députés, ministres, et enfin, le chef de l’Etat lui-même se sont succédés pour accabler l’Etat voisin et son chef sans déclencher la moindre réaction de la part du Togo.  Silence radio à Lomé où, compte tenu de la délicatesse du sujet, les nombreux journaux qui soutiennent le pouvoir ne savent pas comment s’y prendre. Sans qu’aucun décret n’ai mis fin aux fonctions de Madougou, l’un porte-parole du gouvernement togolais, dans sa seule sortie sur le sujet, l’évoquait déjà au passé. Comme une ex conseillère… Christian Trimua ne voyait même pas le lien entre les ambitions de la « béninoise » et ses anciennes fonctions au Togo. Mais une certitude, la promiscuité entre des opposants béninois et Lomé devenaient criarde. Yayi Boni  est passé à Lomé avant son retour au Bénin, après les soins qu’un régime de résidence surveillée pendant 52 jours à Cotonou lui a imposés. Komi Kountché, l’un des soutiens supposés des violentes manifestations qui s’enchainent au centre du Bénin, d’où l’ancien ministre des finances est originaire, a été aperçu dans la capitale togolaise. Cotonou soupçonne Lomé de lui avoir attribué un passeport diplomatique depuis que Koutché fait le tour du monde malgré la désactivation de son passeport béninois. Plusieurs leaders Des Démocrates, récente formation politique de Yayi Boni dont notamment Eric Houndété, ont fait des allers-retours, malgré la fermeture des frontières entre Cotonou et Lomé et tout cela a contribué à renforcer l’idée que depuis Lomé, une main invisible, autrement plus puissante, tire les ficelles. Le sulfureux parlementaire, Rachidi Gbadamassi a d’ailleurs crié à qui veut l’entendre que des propositions de plusieurs milliards CFA lui ont été faites au Togo pour participer « au plan de déstabilisation« . Sans en brandir la moindre preuve. Récemment l’ivoirien Alassane Ouattara a proposé sa médiation sans succès d’autant qu’à Cotonou comme à Lomé, les entourages des deux dirigeants ont pour mot d’ordre que « Gnassingbé et Talon n’ont aucun problème« . Un faux fuyant qui aura du mal à perdurer.

MAX-SAVI Carmel, Afrika Stratégies France

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