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Tribune : la Françafrique prendra-t-elle fin à Montpellier ?

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Dans le cadre de la préparation du prochain sommet Afrique-France qui aura lieu le 8 octobre à Montpellier dans le sud de la France, le chef de l’Etat français, Emmanuel Macron, a fait appel à l’intellectuel et universitaire camerounais Achille Mbembe.

Il s’agit, pour ce spécialiste réputé de la période postcoloniale, de recueillir, sans tabou ni autocensure, les griefs des populations d’Afrique subsaharienne francophone à l’endroit des choix diplomatiques français en Afrique.

Car c’est parce qu’il existe un malaise entre la France et les habitants de ses anciennes colonies que le président Emmanuel Macron a décidé d’inviter les représentants de la jeunesse et de la société civile… et non pas les chefs d’Etat.

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Une manifestation de l'opposition camerounaise à Paris (Archives - Paris, 22,09.2020)
La société civile africaine dénonce souvent le soutien de la France à des régimes dictatoriaux en Afrique

Pour la première fois, le sommet Afrique-France ne sera donc pas cette traditionnelle rencontre au sommet entre un chef de l’Etat français et ses homologues africains.

Pour la première fois, le président aura pour interlocuteurs directs les représentants des sociétés civiles africaines. Il s’agit donc pour Achille Mbembe de s’assurer que la voix des peuples d’Afrique se sera bel et bien exprimée à cette occasion.

La « Mission Mbembe » aussitôt rendue publique a déchaîné, dans les milieux intellectuels et médiatiques africains, une polémique qui n’est pas près de s’éteindre.

Une frange de l’opinion estime que, du fait de ses prises de position indignées sur ce qu’il considère comme les errements de la diplomatie française en Afrique, Achille Mbembe aurait logiquement dû décliner l’offre du chef de l’Etat français.

D’autres estiment qu’il n’y aura rien de nouveau sous le soleil de la Françafrique. Ce scepticisme se fonde sur les reniements continuels de la France sur ce registre, depuis l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, en 1981.

Eric Topona Mocnga, journaliste à la DW
Eric Topona Mocnga, journaliste à la DW

 

On se souvient que Jean-Pierre Cot, ministre délégué (1981-1982) chargé de la coopération et du développement du premier gouvernement de gauche, sous la Ve République, déclara à sa prise de fonctions : « Nous n’entendons pas financer n’importe quoi à n’importe qui. De ce point de vue, nous sommes des empêcheurs de tourner en rond. »  Il fut débarqué quelques mois plus tard de son poste.

Le 16 janvier 2008, dans un entretien au journal Le Monde, Jean-Marie Bockel, nouvellement nommé secrétaire d’Etat à la coopération sous la présidence de Nicolas Sarkozy, croyant s’inscrire dans le droit fil des promesses de campagne du chef de l’Etat, annonce sans détour : « La Françafrique est moribonde. Je veux signer son acte de décès. »

Furieux, le chef de l’Etat gabonais, Omar Bongo Ondimba, obtint son départ du ministère de la Coopération. Muté au secrétariat d’Etat aux anciens combattants, il fut définitivement éjecté du gouvernement au remaniement ministériel suivant.

Ces précédents, comme l’ingérence récente et ostensible de la France lors de la vacance du pouvoir au Tchad, après la disparition soudaine du président Idriss Déby Itno, n’ont fait que conforter dans leur scepticisme des personnages comme l’anthropologue africaniste Jean-Loup Amselle.

Celui-ci affirme dans une récente parution du Nouvel Observateur qu’Achille Mbembe est de ces intellectuels africains venus « au secours de Macron », en difficulté face au rejet grandissant de la France au sein des opinions publiques africaines.

Les reproches adressés à Achille Mbembe sont parfois outranciers, voire hors de propos, lorsqu’ils ne s’éloignent pas du périmètre des « bons offices » attendus de lui par l’Elysée. L’intellectuel n’a pas reçu mandat pour s’exprimer en lieu et place des peuples ou des Etats. C’est à l’architecte d’une « palabre » afro-française inédite qu’Emmanuel Macron tend la main et non au prescripteur d’une nouvelle politique de la France en Afrique.

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