Trois ans après la chute d’Omar el-Béchir, le Soudan au bord de l’effondrement
C’était le 11 avril 2019, le président soudanais Omar el-Béchir était destitué par l’armée, après près de 30 ans au pouvoir. Le régime était alors confronté à la plus importante contestation de son histoire – 4 mois de manifestations quotidiennes contre la vie chère et contre le régime. Sous la pression de la rue, l’armée avait du lâcher l’homme fort du pays, l’arrêter et l’incarcérer dans la célèbre prison de Kober, à Khartoum.
Seuls quelques partis, notamment les islamistes, ont accepté de dialoguer avec le régime. « Mais la rue ne les acceptera pas », met en garde une analyste politique et les manifestations, ainsi que la répression risquent de s’intensifier.
Depuis octobre dernier, plus de 90 manifestants ont été tués par les forces de sécurité. Des centaines ont été interpellés dont 25 leaders de l’opposition et de la société civile – toujours en prison.
Effondrement économique
Le pays est aussi au bord de l’effondrement économique ensuite. La devise soudanaise est en chute libre, elle a perdu un quart de sa valeur depuis le coup d’État. L’inflation est officiellement à 260%. Selon le Programme alimentaire mondial 9 millions de Soudanais sur une population de 44 millions souffrent de faim aigue.
Il y trois ans, ce sont les manifestations contre le prix du pain qui avaient d’ailleurs provoqué la chute d’Omar el-Béchir. Quelques mois après son arrestation, le dictateur avait été condamné à deux ans de prison pour corruption après la découverte de plus de 100 millions de dollars à son domicile.
À l’époque, il est également poursuivi pour le meurtre de manifestants, pour le coup d’État qui l’a porté au pouvoir, et pour les crimes commis au Darfour. Mais ces procès n’aboutiront pas.
Quel sort pour Omar el-Béchir ?
Sous le gouvernement civil d’Abdallah Hamdock, il est un temps, question de livrer Omar el-Béchir à la CPI, qui l’accuse de génocide, crime de guerre et crime contre l’humanité au Darfour. Les discussions autour de son transfert piétinent car le conseil souverain – dirigé par le numéro du régime, le général Burhan – traine des pieds.
En octobre dernier, le coup d’État des militaires met fin à toute éventualité de son transfert à La Haye. Omar el-Béchir aurait alors depuis été déplacé vers un hôpital spécialisé de Khartoum avec plusieurs hauts cadres de son ancien parti.
La semaine dernière, une 20e de responsables de l’ancien régime, dont son ancien ministre des affaires étrangères, Ibrahim Ghandour, ont été blanchis par la justice et relâchés. La preuve, selon les leaders de la contestation, que le pouvoir militaire est en train de réhabiliter l’ancien régime et n’a aucune intention de livrer l’ancien président à la justice internationale.
Certains jours je suis très optimiste, je vois tous ces jeunes et toutes ces manifestations, et je me dis que la lutte continue. Et puis le lendemain, la réalité me rattrape, je vois toutes ces vieilles figures politiques qui sont là depuis des années et je me dis qu’elles ne vont rien changer ; qu’on est bloqué et qu’on tourne en rond.
Afrika Stratégies France avec Rfi Afrique