Seuls 8,8 % des électeurs tunisiens se sont rendus aux urnes, samedi, pour participer aux élections législatives en vue d’élire un nouveau Parlement, privé de pratiquement tout pouvoir, dernière étape de la transformation du pays en régime ultra-présidentiel sous la houlette de Kaïs Saïed.
C’est la plus faible participation électorale depuis la révolution de 2011. Les Tunisiens ont boudé massivement les urnes, samedi 17 décembre, alors qu’ils étaient appelés à renouveler leur Parlement, un scrutin voulu par le président Kaïs Saïed pour mettre un point final au processus enclenché par son coup de force de juillet 2021.
Une nouvelle Assemblée de 161 députés, aux pouvoirs très limités, doit remplacer celle que Kaïs Saïed avait gelée le 25 juillet 2021, arguant d’un blocage des institutions démocratiques issues de la première révolte des Printemps arabes, après la chute du dictateur Ben Ali en 2011.
Le président de l’autorité électorale Isie, Farouk Bouasker, a annoncé un taux de participation de 8,8 %. Des résultats préliminaires de ce premier tour des législatives seront annoncés lundi.
Il s’agit de la plus faible participation électorale depuis la révolution de 2011, après des années records à près de 70 % (législatives d’octobre 2014) et c’est trois fois moins que pour le référendum sur la Constitution cet été (30,5 %), déjà marqué par une forte abstention.
Ce nouveau Parlement « est censé être plus démocratique et représentatif que tous les précédents Parlements de l’histoire du pays », a ironisé l’analyste Youssef Chérif sur Twitter.
Farouk Bouasker a reconnu un « taux modeste mais pas honteux », estimant qu’il s’expliquait par « l’absence totale d’achats de voix (…) avec des financements étrangers », contrairement selon lui à certains scrutins du passé.
Le président Saïed avait tenté le matin de mobiliser les neuf millions d’électeurs en évoquant « une opportunité historique de retrouver vos droits légitimes ».
L’accusant de « dérive dictatoriale », les principaux partis et en premier lieu le mouvement d’inspiration islamiste Ennahdha, sa bête noire et ancien parti majoritaire au Parlement, boycottaient ce vote pour lequel Kaïs Saïed avait imposé un mode de scrutin uninominal où les candidats ne pouvaient pas afficher leur affiliation.
Autre facteur expliquant la désaffection : les candidats (1 055), pour moitié enseignants ou fonctionnaires, étaient en grande majorité inconnus, avec moins de 12 % de femmes dans un pays attaché à la parité.
Même la puissante centrale syndicale UGTT a jugé ces législatives inutiles.
La principale préoccupation des 12 millions de Tunisiens reste la cherté de la vie, avec une inflation de près de 10 % et des pénuries récurrentes de lait, sucre ou riz.
Après un second tour d’ici à début mars, l’Assemblée des députés aura des prérogatives très restreintes en vertu de la nouvelle Constitution votée en juillet.
« Monopole du pouvoir »
Le Parlement ne pourra pas destituer le président et il lui sera presque impossible de censurer le gouvernement. Il faudra dix députés pour proposer une loi et le président aura la priorité pour faire adopter les siennes.
« Ce vote est une formalité pour parachever le système imposé par Kaïs Saïed et concentrer le pouvoir entre ses mains », explique à l’AFP le politologue Hamza Meddeb, évoquant un Parlement « dénué de tout pouvoir ».
Le scrutin est « un outil dont se sert le président Saïed pour conférer une légitimité à son monopole du pouvoir », abonde l’analyste Hamish Kinnear, du cabinet Verisk Maplecroft.
Mais la mise en place d’un Parlement permettra, selon lui, « un retour à une plus grande prévisibilité politique » et facilitera l’obtention de l’aide des bailleurs de fonds étrangers.
La Tunisie, dont les caisses sont vides, a demandé un nouveau prêt de deux milliards de dollars au FMI, qui conditionne d’autres aides étrangères.
Afrika Stratégies France avec AFP