L’Afrique fait un pas important vers son intégration économique et commerciale. Les États membres de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) ont conclu samedi 29 janvier leurs négociations sur les règles d’origine, une mesure qui devrait permettre de réduire davantage les droits de douane sur les marchandises au sein du continent africain. Cette étape est considérée comme essentielle car les règles d’origine représentent les critères permettant de déterminer le pays d’origine d’un produit. L’objectif à terme est de permettre aux biens de circuler en franchise de droits à l’intérieur de la zone de libre-échange à condition que ces biens soient, dans une certaine proportion, d’origine africaine.
Dans son Rapport sur le développement économique en Afrique, paru en 2019 : Made in Africa − les règles d’origine, un tremplin pour le commerce intra-africain, la Cnuced estime d’ailleurs que faute de « règles d’origine » simples, souples, transparentes et évolutives, les Africains risquent de continuer à ne pas commercer avec les Africains. Désormais, tout l’enjeu des négociations qui s’accélèrent est de savoir dans quelle mesure les règles d’origine pourraient être ajustées de manière à accroître la contribution de la Zone de libre-échange continentale africaine au développement industriel et agricole de l’Afrique, ainsi qu’à l’émergence de chaînes de valeur régionales. Le commerce intra-africain représente seulement 15 % du commerce total de l’Afrique, alors que cette proportion atteint 67 % en Europe.
Cerner la question de la règle d’origine
Bien que les échanges commerciaux dans le cadre de la Zlecaf aient débuté officiellement le 1er janvier, les négociations relatives aux règles d’origine n’avaient toujours pas abouti, ce qui rendait difficile l’identification des produits pouvant bénéficier du régime tarifaire préférentiel prévu par l’accord. Ebrahim Patel, président des ministres du commerce de l’Union africaine (UA), a annoncé lors d’un point presse que les règles adoptées pourraient couvrir 87,7 % des marchandises figurant sur les lignes tarifaires des États membres de l’UA. « C’est une grande avancée », a-t-il estimé, ajoutant que les règles d’origine convenues deviendraient la base d’un commerce à part entière entre les différents États membres dans le cadre de l’accord de libre-échange, afin de stimuler la croissance économique de l’Afrique. « Pour les citoyens ordinaires de notre continent, cela signifie plus d’emplois, plus d’occasions économiques, et la possibilité pour l’Afrique de dire que nous voulons nous industrialiser. Nous ne pouvons pas simplement rester des générateurs de matières premières », a-t-il ajouté, en songeant certainement à l’exemple du cacao. En effet, avec plus de 70 % de la production mondiale, le continent est le premier exportateur mondial de cacao, mais il transforme peu et demeure importateur net de chocolat. La raison ? les droits de douane africains sur la matière première et les produits semi-finis sont trop élevés. Conséquence : les principaux fabricants africains de chocolat, installés en Égypte et en Afrique du Sud, ne se fournissent pas chez les principaux producteurs que sont la Côte d’Ivoire et le Ghana, mais importent d’autres continents la majorité de la pâte de cacao et du beurre de cacao dont ils ont besoin.
Encore des défis à relever
Pour Wamkele Mene, le secrétaire général de la Zlecaf, la conclusion des négociations sur les règles d’origine est une étape importante vers une mise en œuvre réussie de cet accord de libre-échange. « Maintenant que 87,7 % des règles d’origine sont convenues, les États membres sont en mesure de publier ces instruments juridiques au niveau national afin que les pays puissent les appliquer d’un point de vue douanier », a-t-il ajouté. Mais il reste encore beaucoup de chemin pour atteindre ces objectifs tant les disparités en termes de richesse économique, de population ou de systèmes juridiques et politiques sont grandes entre les pays membre. D’autant plus que l’intégration régionale en Afrique s’est principalement opérée au niveau des communautés économiques régionales (Comesa, CAE, Ceeac, Cedeao, SADC) ou à l’échelon sous-régional, et elle a progressé à un rythme inégal.
La prochaine étape est la publication d’un livre des tarifs de la Zlecaf, qui comprendra les règles d’origine et les procédures douanières applicables aux produits. Ainsi, les commerçants seront en mesure d’identifier les produits, savoir quelles règles d’origine s’appliquent et les tarifs associés. Là où la Cnuced avait plutôt plaidé pour la création d’une plateforme numérique expliquant en langues locales « les règles d’origine applicables dans la Zlecaf et dans les communautés économiques régionales d’Afrique ». Toujours d’après la Cnuced, les échanges commerciaux devraient progresser de 33 % après suppression complète des droits de douane, et rapporter à l’Afrique 16,1 milliards de dollars de revenus supplémentaires.
Afrika Stratégies France avec Le Point Afrique